Retour gagnant pour de la bande "à François", l'homme orchestre autodidacte et figure historique du punk rock alternatif français dans le cadre festif et intimiste du festival Les Chants de Mars.

Pigalle

Le Marché Gare est un quartier historique de la ville de Lyon, le long de l’immonde ruban autoroutier qu’un maire opportuniste et soit disant visionnaire a cru bon de faire passer en plein centre ville il y a 40 ans donnant ainsi une réputation exécrable à la capitale des Gaules, davantage connue pour ses embouteillages que pour ses petits bouchons si conviviaux. Aujourd’hui, ce quartier est un chantier à ciel ouvert où des dizaines de grues côtoient d’autres oiseaux de nuit qui attendent le « chasseur » et son fusil chargé. Hier encore on entendait les clameurs et les cris des maraichers du marché de gros, aujourd’hui, c’est la noria de camions et de pelleteuses qui remodèlent cet ancien quartier populaire en nouveau centre bobo.

La venue de Pigalle était donc tout un symbole dans le cadre de ce festival qui privilégie la chanson en français. La salle est pleine à craquer et c’est un peu le rendez-vous des amis bigarrés ; on croise de vieux keupons crêtés, des babas alter, des adeptes virulents de la vélorution, des tenanciers de bar à la patte folle, des enfants avec leurs parents, des parents avec leurs enfants, des libertaires Iphonés, des parieurs sur le match du soir opposant le Real à l’OL mais qui préfèrent la gouaille de François aux « trottinements patauds de vingt-deux handicapés velus qui poussent des balles comme on pousse un étron ». Bref, c’est une famille unie qui attend l’artiste protéiforme, le militant du Front de gauche qui sublime dans ses textes, les déclassés, les cabossés de la vie.

Discographie

Nouvel album « Des Espoirs »

Pigalle est de retour donc pour présenter un nouvel album, Des Espoirs, après 13 ans de vide discographique et la fin de l’aventure Boucherie Productions. Le temps a passé mais l’on se retrouve en terrain de connaissance avec les fameuses bretelles double décimètre sorties d’un film de Jeunet et Caro, l’arbre à palabres ou plutôt le saule pleureur d’instruments disparates (cornemuse, banjo, violon, clarinette, flûte traversière, ukulélé ténor, mandoline, vielle berrichonne, cornemuse, bandonéon ou encore pipa chinoise d’habitude jouée exclusivement par les femmes nous raconte François goguenard) et les personnages des chansons que l’on pourrait croiser chez Tardi, Léo Malet Alphonse Boudard ou Frédéric Dard. Le spectacle est en rodage, c’est seulement la seconde date et François, bonhomme, râle parfois à propos du son, la guitare électrique étant souvent inaudible et la basse vrombissante.

PIGALLE – Si on m’avait dit

Mais les nouvelles chansons séduisent ; on retrouve la tendresse qu’affectionne tant le titi parisien pour les sans grades ou pour les petites lâchetés quotidiennes. Ces titres sont des persiennes ouvertes sur la vie de tous les jours, avec ses tracas et ses petites joies éphémères. Le père François, hussard noir des laissés pour compte brosse une galerie de personnages hauts en couleur mais proches de chacun de nous ; certains diraient chanson réaliste ou engagé mais il ne rentre pas dans les cases, très loin d’un Bénabar poujadiste par exemple. François introduit chaque chanson comme on présenterait un ami, il utilise aussi un instrument différent presqu’à chaque fois, ce qui donne une atmosphère unique, tantôt intimiste, tantôt bal populaire ou encore franche fiesta païenne. Parmi les tronches de vie de l’album photo on retrouve des femmes battues (Il te tape), l’ado qui découvre que le monde n’est pas rose (Si on m’avait dit), la femme seule et abandonnée (Qui voudrait parler d’elle), l’alcoolique philosophe (Je bois ma vie), le creuset sociale des cités loin du misérabilisme convenu (Il ya dans la cité sans nom), les OS qui vont boire des canons à la chaine au bar du coin pour refaire le monde (Chez Mme Eulalie). Mais derrière le réalisme poétique se cache souvent la gravité, Il se voyait deux, trois fois par mois et son couple illégitime abonné à un hôtel borgne, La Frontière, inquiétante et étouffante, Il l’attendait, récit de la séparation, de l’attente et de l’inéluctable fin ou encore, Ophélie autre fable sur la solitude devant l’écran d’ordinateur.

Bien sûr François n’oublie pas les classiques, les mythiques Il boit du café, Marie la Loraine, Les lettres de l’autoroute, Vendredi 13, L’amour forain, L’éboueur ou encore Chez Rascal et Ronan, le tube imparable de la rue des Martyrs ou le vieil hymne parigo éponyme de George Ulmer, Pigalle.
Au total pas moins de trente titres généreusement envoyés, qui possèdent toutes une capacité empathique incroyable même si certains des personnages sont un peu lâches, mais au final comme nous tous. Le concert s’achève sur un retour aux sources, la spéciale dédicace aux moniteurs de colonies de vacances avec la reprise très énervée d’un standard de Graeme Allwright (84 ans), Il faut que je m’en aille et son refrain de comptoir : « Buvons encore une dernière à l’amitié, l’amour, la joie… »

PIGALLE – Des Espoirs

Les lumières se rallument, le public a le sourire aux lèvres et des étoiles plein les yeux. Pigalle c’est la vie de quartier, le concert à la bonne franquette et il est rassurant après le carton discographique d’Higelin de voir un retour à une certaine idée de la chanson française, ni nouvelle, ni branchouille, mais qui vient simplement du coeur.

Pigalle sera l’invité du Fou du Roi le 30 mars et en concert à la Cigale à Paris le 14 avril.

Date : 10 mars 2010

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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