Le Sous Marin

Maxence Collart - Le Sous Marin (© Louis T.)
En photographie, nous avons Richard Bellia qui fait toujours dans l'argentique et la chimie. En enregistrement, il y a Maxence Collart. Disposant d'un studio à Amiens, ce couteau suisse musical travaille encore à l'ancienne sans négliger les avancées du temps. Tout un concept. Une rencontre analogique avec un véritable amoureux de la musique. Et des Kills.

Le Sous Marin

Pourquoi le nom du Sous Marin ?

Maxence Collart : C’est venu bêtement. Je faisais un brainstorming avec des potes et c’est venu ainsi. Ça sonnait bien. A postériori le coté « Jules Verne », « Beatles » et « underground » en font un nom rock’n’roll, assez underground. C’est tout le contraire du mainstream.

Le Sous Marin
Le Sous Marin

Et comment es-tu arrivé à la musique ?

Maxence Collart : A 8 ans, je faisais du cor d’harmonie. Je jouais dans différents orchestres. Et puis adolescent, je me suis à la batterie pour mieux serrer des gonzesses.

Il y a un déclic où tu t’es dit que tu allais faire de la musique de manière professionnelle ?

Maxence Collart : Il n’y a pas de déclic. Il y a surtout les années lycée.
J’écoute les Doors, je découvre Joplin et Led Zeppelin. Et les Guns et Maiden. Déjà au collège, Je devais être le seul à écouter des groupes comme Maiden, Ludwig Von 88. Et puis Renaud aussi.

Kashmir – Led Zeppelin

Le vrai moment, c’est mon année de terminale. Je fais de plus en plus de musique. Je prends des cours de batterie, je monte un groupe de rock.
A coté de mon cursus universitaire, je vais à Paris une fois par semaine prendre des cours. Je suis à l’école Agostini et je me constitue un réseau. Je joue dans énormément de groupes, dans tous les styles
Et à force de côtoyer tous ces instruments différents, je m’intéresse au processus d’enregistrement.
Pour le coup je me forme seul. Mais mes études de mathématiques, informatique et de physique m’aident beaucoup.
Je commence par enregistrer mes groupes, je pose beaucoup de questions aux ingénieurs son que je croise aux concerts. Je reste près de la console, je reste près du type et je l’emmerde avec mes questions.

Tu as des modèles ?

Maxence Collart : Geoff Emerick, le gars qui a enregistré les Beatles. Il a travaillé sur l’Album Blanc, Revolver, Sergent Pepper, Abbey Road. Puis il a claqué la porte. C’est un peu plus compliqué, en fait il a claqué la porte pendant le blanc, et a accepté de revenir pour Abbey Road, et pis après, y a pas d’après, y a plus de Beatles

Il y a aussi Eddie Kramer, l’ingénieur son de Jimi Hendrix (pas vraiment Led Zep’, ou à peine).

En fait, j’aime les types qui avec peu de moyens (technologiques j’entends, comparé aux outils qu’on a aujourd’hui, pas moyens financiers, au contraire de ce coté ils avaient des moyens) faisaient beaucoup. Ils cherchaient, ils bricolaient. Ça me fascine.

Quid de l’analogique ?

Maxence Collart : Ici, c’est à 80% analogique, Pro Tools n’est quasiment qu’un magnéto.
Pour enregistrer en analogique, je peux mais une bande ½ pouce (8 pistes) de 30 minutes, c’est 60 euros. Pour le 24 pistes, une bande vaut dans les 300 euros. Ce prix se répercuterait sur les groupes qui voudraient enregistrer ainsi.
Dans les années 70, c’était beaucoup moins cher évidemment.
Avec Pro Tools, un disque dur, c’est 100 euros pour 3 ans de musique (j’ai un peu dit ça au hasard, c’est juste une hyperbole!).
Par contre la console est analogique, et j’utilise tout un tas d’appareils analogiques (compresseurs, effets, delay à bande…)
Dans mon imaginaire, un studio, c’est une énorme console.
Après certains types font leurs mixages avec un ordinateur. Et on te dit que grâce aux algorithmes, à la puissance des ordinateurs, tu atteins le niveau de l’analogique mais c’est faux. C’est comme le MP3, c’est une illusion.

Maxence Collart - Le Sous Marin
Maxence Collart – Le Sous Marin (photo © Louis T.)

Mon propos c’est plutôt qu’il y a d’excellents et d’irremplaçables outils numériques ou informatiques mais que c’est une illusion de croire que les algorithmes peuvent faire aussi bien que les machines analogiques originales. Et que certains ingénieurs font leur mixages avec l’ordinateur en prétextant que de toute façon c’est pour finir en MP3 sur un téléphone, mais que je préfère me souvenir qu’il y a encore des gens qui ont des chaînes hi-fi ou des systèmes d’écoute de qualité, et bosser pour eux.

Quels sont les disques dont le son a été marquant pour toi ?

Maxence Collart : Blood Sugar Sex Magic des Red Hot Chili Peppers au début des années 1990.
Il y a aussi deux albums de Massive Attack, Protection et Mezzanine. Ils ont vingt ans et ça n’a pas bougé.
Who’s Next aussi. Et puis London Calling et Revolver. Mais il n’y a pas que le son, il y aussi la démarche artistique.
Et aussi Beggar’s Banquet. Et dernièrement le disque de Selah Sue. Et les Kills. Ils ont un son très spécial les Kills.

The Kills – Future Starts Slow

Comment trouves-tu ta place lors d’un enregistrement ?

Maxence Collart : J’y vais à tâtons.

Il y a deux choses.
Parfois quelque chose qui s’apparente au syndrome de Stockholm: il y a certains groupes dont je n’apprécie pas foncièrement la musique. Après avoir travaillé avec eux, je vais défendre le disque, parce que je vais quand même le faire à fond, mais ce cas est assez rare.
Et puis surtout c’est ma culture. J’ai écouté beaucoup de musique. Mon père écoutait beaucoup de jazz, ma mère beaucoup de classique, j’ai joué dans des tas de groupes de plein de styles. J’essaye de voir, d’entendre comment le groupe pourrait sonner, et je ne cherche pas à calquer des recettes associées à un courant musical.
Dernièrement j’ai enregistré Thomas Sidibé. On a mis de la disto sur le ngoni (instrument à cordes d’Afrique de l’ouest), les percussions comme le djembé ou les bougarabous.
Tout est dans l’approche. Voir comment la musique du groupe peut sonner.

TOP 10

1) Le meilleur disque de 2014 ?

Maxence Collart : Celui d’Agnès Obel. Bon d’accord c’est 2013…
Même si j’ai beaucoup écouté J’ai l’honneur d’être de Brigitte Fontaine. 2013 aussi.
Du coup j’hésite entre Leonard Cohen et Christine and the Queens.

2) Ton disque honteux ?

Maxence Collart : Love In C Minor de Cerrone.

3) Le disque que tout le monde a écouté sauf toi ?

Maxence Collart : Le dernier Metronomy. C’est comme MGMT, tout le monde en parle et je passe à coté.
Pourtant j’aime bien la pop.

4) Le groupe que tu révérais d’enregistrer ?

Maxence Collart : Les Kills… Euh non Led Zeppelin évidemment.

5) La meilleure salle de concerts au monde ?

Maxence Collart : Celle qui sublime l’artiste.
J’ai vu Agnès Obel au Cirque Royal de Bruxelles. C’était fantastique.

6) Le meilleur studio ?

Maxence Collart : Abbey Road ou Olympic Studios.

7) Si tu pouvais créer un festival. Quel nom? Quels groupes ?

Maxence Collart : Pour le nom, je ne sais pas… Ce n’est pas mon métier.
Sinon j’invite les Kills.

8) Le refrain ultime ?

Maxence Collart :Celui de Wild Horses des Stones.

9) Ta B.O. préférée ?

Maxence Collart : Celle du film Shine avec le Concerto No3 de Rachmaninoff.
Sinon une plus récente, celle d’Alabama Monroe.

10) Death or Glory ou Train in Vain ?

Maxence Collart : Magnificent Seven.

The Clash – Magnificent Seven

Pouet? Tsoin. Évidemment.

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