Il y a quelques années, Grant-Lee Phillips a quitté sa terre natale, la Californie, pour la terre de ses ancêtres, le Tennessee. L'ancien leader des Grant Lee Buffalo s'est donc rapproché de ses racines indiennes et a pu enquêter sur son passé.


The Narrows, son nouvel album, est au centre de cette quête. Sur ce disque, on retrouve l’élégance de cet auteur qui éclaira l’année 1993 avec son premier disque (Fuzzy). Véritable coup de maître, ce disque lança la carrière de Grant-Lee Phillips et l’installa comme l’un des plus beaux représentants de l’indie US (aux cotés de Vic Chesnutt ou de Mark Oliver Everett).
On parle ici d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… La discographie de Grant Lee Buffalo rendrait complétement dingue n’importe quel directeur artistique. Avec Paul Kimble, ce trio avait trouvé un son. Un vrai. Les Grant Lee Buffalo étaient reconnaissables entre mille et suscitèrent l’admiration de leurs contemporains. Mais on parle d’une époque où les majors avaient le droit de vie et de mort sur les artistes. La grande Warner préféra se concentrer sur R.E.M et remisa au placard le groupe de Stockton. En 1999, l’aventure s’arrêta. Le longiligne Paul Kimble et sa basse disparurent des écrans radars à jamais. Quant à Grant-Lee Phillips, il continua d’écrire des chansons comme si de rien n’était. Depuis Ladies Love Oracle, son premier disque solo publié en 2000, Grant-Lee ne s’est jamais arrêté de tourner.
Depuis quelques mois, les passages de cet Américain à Paris sont de plus en plus fréquents.
En 2015, on l’a vu aux cotés de Howe Gelb (Giant Sand) lors d’un concert au Point Éphémère. Il sera de retour en avril 2016 dans cette salle pour défendre son huitième album, The Narrows.

Grant-Lee Phillips

Comment vas-tu ?

Grant-Lee Phillips : Bien. Merci. M.E.R.C.I !

Pourquoi as-tu enregistré ce disque dans le studio de Dan Auerbach ? Comment l’as tu rencontré ?

Grant-Lee Phillips : Jerry Roe, qui joue de la batterie sur ce disque, m’a suggéré de contacter Collin Dupuis, l’ingénieur de Dan. Voilà comment ça s’est passé. Avec la bénédiction de Dan et l’implication de Collin, j’ai pu enregistrer ce disque aux studios Easy Eye de Dan à Nashville. C’est un espace qui permet les rencontres. Le studio est grand et il y pas mal de matériel ancien. Les ondes y sont excellentes. Dan est venu de temps en temps et nous avons parlé de motos. Je suis fan de son jeu, de son écriture et de sa production.

Quel est ton meilleur souvenir lié à l’enregistrement ?

Grant-Lee Phillips : Tout c’est passé très rapidement : trois jours par morceau, et trois jours pour le mix. Chaque morceau me rappelle l’endroit où il a été écrit ainsi que le moment où il a été écrit.
Nous n’avions pas répété San Andreas Fault avant que Russ Pahl, le joueur de Pedal Steel, n’arrive. Quand nous avons commencé, ce fut fantastique. Ses notes se faufilaient autour de ma voix. Ce fut vraiment un moment spécial.

Pourquoi avoir appelé ce disque The Narrows ?

Grant-Lee Phillips : Le titre The Narrows est tiré des paroles de Moccasin Creek, une des chansons du disque. “Go down to the narrows, where the water picks up…”
C’est une référence à un passage de cette rivière où le courant est très fort. C’est quasiment impossible de garder la tête hors de l’eau. C’est la même chose pour la vie. Il y a des moments très difficiles à passer.

Grant – Lee Phillips – Cry Cry

The Narrows est ton album le plus autobiographique à ce jour. Je me trompe ?

Grant-Lee Phillips : Sûrement. Toutes mes chansons sont issues de réflexions, d’errements, de vagabondages. Il n’y a aucune limite. Ainsi je lutte pour que mes disques soient autobiographiques. Parfois je me suis inspiré de la vie de quelqu’un d’autre pour en adopter le point de vue comme dans Holy Irons.

Qui est l’auteur de la photographie que tu as utilisée pour la pochette de The Narrows ? Que regardes tu ?

Grant-Lee Phillips : C’est ma femme, Denise Siegel-Phillips, qui a pris cette photo. Elle a toujours pris les photographies que j’ai utilisées pour mes pochettes de disque.
Ce que je regarde ? Je regarde le futur tout en ayant un œil sur le passé.

San Andreas Fault évoque la ville de Los Angeles. Tu te sens comment par rapport à cette ville ?

Grant-Lee Phillips : San Andreas Fault est tirée de certaines expériences. Mais comme la faille qui lézarde la Californie, les sentiments sont souvent enfuis sous la surface. J’ai beaucoup voyagé, je ne regarde pas Los Angeles comme un point d’ancrage. J’y travaille toujours et j’y ai beaucoup d’amis.

Le dernier titre de ton album s’appelle Find My Way. C’est vrai ? Tu as vraiment trouvé ta voie ?

Grant-Lee Phillips : Oui vraiment. En ce qui me concerne, chaque chanson, chaque livre ou chaque film évoque toujours quelqu’un qui essaye de trouver son chemin en surmontant des obstacles ou une crise.

Tu as évoqué les chansons de ce disque comme un lien entre le passé et le présent, comme une sorte d’objectif qui fait un gros plan. Quelles sont tes relations avec ton passé ? The Narrows est une catharsis ?

Grant-Lee Phillips : Il m’arrive de contempler le passé. Je m’en inspire beaucoup. Ma vie est le fondement de mon écriture.
Si c’est une catharsis ? Je ne pense pas.

TOP 10

1) Le meilleur album de 2015 ?

Grant-Lee Phillips : Sound And Color des Alabama Shakes.

2) Londres ou Paris ?

Grant-Lee Phillips : Paris !

3) Ton artiste français préféré ?

Grant-Lee Phillips : Claude Debussy.

4) La meilleure salle pour faire un concert ?

Grant-Lee Phillips : Les bons concerts peuvent avoir lieu n’importe où. Tu n’as pas besoin d’une salle. Juste d’une cuisine ou d’un belvédère.

5) La meilleure place pour voir un concert ?

Grant-Lee Phillips : Une chaise.

6) Ta bande originale de film préférée ?

Grant-Lee Phillips : Taxi Driver de Bernard Herrmann.

Bernard Herrmann – Taxi Driver

7) Le producteur de tes rêves ?

Grant-Lee Phillips : Tony Visconti.

8) Ton album préféré de Neil Young ?

Grant-Lee Phillips : Harvest je pense, même si je les aime quasiment tous. On peut considérer Decade comme un album ?

9) Le refrain ultime ?

Grant-Lee Phillips : Celui de This Land Is Your Land.

10) Si tu pouvais créer un festival… Quel nom ? Quelles têtes d’affiche ?

Grant-Lee Phillips : Il s’appellerait Deadstock.
Il y aurait tous mes artistes préférés, la plupart dans le public.
Johnny Cash, Ray Charles, James Brown, George Jones, Patsy Cline, Howlin’ Wolf. Il durerait trois vies, il y aurait beaucoup de salles de bain, des corn dogs, des funnel cakes et des plats végétariens.

The Narrows de Grant-Lee Phillips sera publié le 18 mars 2016 via le label Yep Roc Records.
Grant-Lee Phillips sera en concert le 27 avril 2016 au Point Éphémère (Paris) avec Laura Gibson.

Grant-Lee Phillips - The Narrows

Tracklist : Grant-Lee Phillips - The Narrows
  1. Tennessee Rain
  2. Smoke And Sparks
  3. Moccasin Creek
  4. Cry Cry
  5. Holy Irons
  6. Yellow Weeds
  7. Loaded Gun
  8. Rolling Pin
  9. Taking On Weight In Hot Springs
  10. Just Another River Town
  11. No Mercy In July
  12. San Andreas Fault
  13. Find My Way

Pouet? Tsoin. Évidemment.

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Et Grant-Lee Phillips vit la lumière…

Vingt-neuf ans après la parution Fuzzy / We’re Coming Down, son premier single avec Grant Lee Buffalo, Grant-Lee Phillips ne baisse pas la garde. Il publiera son dixième album solo en septembre prochain et sera en France en avril 2021 le temps d’un concert à Paris.

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