Brett Anderson – Slow Attack

Après le crash de ses groupes (Suede & The Tears), Brett Anderson a décidé de poursuivre l'affaire en solo. La grande seringue ne nous a pas déçu pour le moment : un premier effort qui n'était pas encore tout à fait détaché de l'ère Suede et un deuxième opus dépouillé à l'extrême qui contenait certains moments de grâce. Anderson a depuis toujours le besoin d'être cadré et la personne en charge du dossier est la clef pour comprendre le cheminement du disque: après Butler, Oakes, Fred Ball, c'est désormais Leo Abrahams qui gère notre escogriffe romantique. A la lecture du C.V. du gaillard, nous n'avons guère de souci à nous faire en ce qui concerne la production: Abrahams est un requin de studio qui a pigé pour Eno, Starsailor, Faithfull, Ferry (cherchez l'erreur).

Brett Anderson ne refait pas l’erreur de son album éponyme. Alors que ce dernier mêlait allégrement ambiance électrique et intermèdes douteux et incongrus, ici nous reprenons la voie tracée par Wilderness ; c’est à dire un album d’une très grande homogénéité. Lors de sa dernière tournée acoustique, le chic londonien avait fait appel à un quatuor de cordes. Il réinjecte cette savoureuse idée dans l’ensemble de l’album. On connaît l’animal, quand il aime, il multiplie les tentatives, il recycle jusqu’à l’overdose. Et on pourrait la frôler ici…

Slow Attack est donc magnifiquement produit.Trop peut être. Si les premières notes de Wheatfields rappellent l’ambiance de Wilderness, la chanson prend vite une autre envergure en terme d’arrangements. Il en va de même pour Summer, balade au titre trompeur, qui se trouve agrémentée d’une alliance délicate de chœurs et de cordes. Cependant ce raffinement ennuie, ou plutôt emmerde royalement son monde avec ses allures de Madame Parfaite : il est loin le temps des productions glams et crasseuses de Ed Buller. Très académique, Abrahams offre un cadre trop hygiéniste à cet album. La voix si touchante d’Anderson en est totalement bridée. Elle, qui mérite des grands espaces et une liberté totale, se trouve piégée dans un cadre étriqué.

Discographie

Cet album offre cependant son lot de belles surprises. Anderson a réussi à se débarrasser de son champ lexical de prédilection qui était composé de quelques mots (love, beautiful, rain, etc…). Et il retrouve le chemin de l’inspiration: sa dernière livraison, bloc sinistre, en manquait cruellement. Inspiration qui se révèle assez autonome par rapport aux heures de gloire de ses anciens groupes. Il commence très fort avec Hymn, titre d’ouverture qui remet les pendules à l’heure avec un faux départ mais avec une véritable ambition. Ashes of us apaise, Julian’s Eyes permet de retrouver un Brett mélodique.
Rempli de cordes et chargé de gimmicks de studio, cet album devient convaincant quand l’addition n’est pas trop salée : au final Julian’s Eyes et The Swans,qui sont les deux titres les plus dépouillés de Slow Attack, vont convaincre l’auditeur. Il faut pour cela que la production s’efface et que le point de gravité penche en faveur de notre poète maudit.

Sortie de l’album : 2 novembre 2009 sur V2.

Pouet? Tsoin. Évidemment.

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