[2/15 – Talitres is 15] Dialogues croisés avec Motorama

Avant que la France ne tombe raide dingue de ces Russes qui pensent comme de vrais Mancuniens, il y a d’abord une histoire d’amour entre Motorama et Sean Bouchard, le patron de Talitres, chantre de l’import-export de qualité.

Bouchard est le premier fan de ce groupe et il lui accorde tout. Ainsi, il lui permet de publier ce magnifique disque de transition qui a des airs de Munki. Que sera Motorama après Dialogues ? Aucune idée. Par contre, tout le monde sait ce qui est arrivé après Munki aux The Jesus And Mary Chain.

Tout ce que l’on sait, c’est que Vlad Parshin offre ici à son groupe un album d’une douceur qu’on lui soupçonnait secrètement. Déversant sûrement son trop plein de violence dans Утро (ou Utro si on transcrit l’alphabet cyrillique), Parshin adoucit son propos. Les nouvelles de Rostov-sur-le-Don, ville des Motorama, sont donc bonnes. Capitale de la région du Don, Rostov est une métropole bouillonnante à l’économie solide qui est jumelée avec Le Mans et qui est plus connue pour être un vivier d’athlètes plutôt que d’artistes. Parshin inverse donc l’échelle des valeurs et bouscule la géographie pour notre plus grand bonheur. « La géographie ça sert à la faire la guerre » disait autrefois le géographe Yves Lacoste. Désormais on sait que ça sert aussi à faire de la musique.

Dialogues

Pourquoi avoir appelé ce disque Dialogues ?

Vlad Parshin : Chaque chanson peut-être interprétée comme un dialogue entre deux personnes.

Où avez-vous enregistré ce disque ? Ce fut facile ? Quel est ton meilleur souvenir lié à cette enregistrement ?

Vlad Parshin : L’enregistrement a eu lieu chez moi, dans mon studio à Rostov-sur-le-don. C’est une nouvelle expérience pour moi car j’ai dû caler l’enregistrement sur les horaires de ma vie de famille. Désormais nous sommes trois dans notre appartement. Ma femme, Irene et notre fils d’un an et demi Misha et moi. Ce fut un début d’été agréable et intense.

Motorama – Dialogues

Dialogues est très mélancolique. Tu as du changer ta manière d’écrire ? Tu avais peur de te répéter ?

Vlad Parshin : Je n’aime pas la mélancolie. Il y a différents sentiments comme l’indifférence ou la dépression qui ont leur place sur cet album. Je n’ai pas peur de me répéter car je vois clairement ce que j’ai fait avant et quelles idées j’ai en faisant les choses.

Comment t’est-venue l’inspiration ?

Vlad Parshin : Comme d’habitude, en lisant des livres et en regardant des films.

Comment as-tu écrit les chansons de ce nouvel album ? As-tu changé de méthode ?

Vlad Parshin : Les chansons sont venues comme pour les autres albums. J’écris des paroles sans cesse, que nous soyons en tournée ou que je sois à la maison. Parfois, j’enregistre quelques guitares ou des démos avec mon dictaphone. Je me déplace tout le temps avec de quoi enregistrer. J’arrange, je ré-arrange… Parfois je pars de rien et j’arrive à enregistrer une chanson en une seule journée.

Dialogues ne serait-elle pas la bande-son du voyage en Russie de Lee Hazelwood ? Je me trompe ?

Vlad Parshin : C’est un fantasme intéressant. Mais je pense qu’il s’agit d’autre chose.

Quelle place lui donnes-tu dans la discographie de Motorama ? Dialogues a un coté plus pop que l’album Alps ?

Vlad Parshin : Je n’analyse pas les choses comme ça. Pour moi, il s’agit de nouvelles chansons avec de nouvelles idées. Il va y avoir de nouvelles sensations pour le groupe. Je verrai peut-être plus tard des similitudes avec les autres albums.

Quelle est l’histoire de Reflection ? Il s’agit de ma chanson préférée.

Vlad Parshin : Cette chanson a été écrite en 2012. J’ai retrouvé la démo et enregistré de nouveau la chanson avec de nouvelles paroles et des nouveaux arrangements. Le texte évoque le sommeil et le fait de voir une copie, disons une copie particulière de soi, dans une autre dimension ou dans un monde de miroirs.

Quelle est l’histoire de la photographie de la pochette ?

Vlad Parshin : Il s’agit d’une photographie qui montre des couples, des amis ou des familles qui font de la balançoire. Ce cliché a été fait par le photographe soviétique Sergey Raskin.

Comment as-tu connu Sergey Raskin? Pourquoi as-tu choisi cette photographie ? Quel sens doit-on lui donner ?

Vlad Parshin : J’ai une boîte avec des photographies soviétiques des années 50-70 faites par les photographes de la région. J’aime ce cliché. Il a quelque chose de mystérieux. Il est un peu triste, anxiogène et alarmant. Il est, selon moi, parfaitement en accord avec les chansons.

Il y a des chansons que vous avez abandonnées pendant l’enregistrement ?

Vlad Parshin : J’ai pas mal de chansons inabouties. Elles ne sont pas abandonnées. Elles attendent juste leur heure.

Tu lis les critiques de tes disques ? C’est quelque chose qui t’intéresse ?

Vlad Parshin : Parfois, je suis intéressé par l’opinion d’un critique. Pour les sentiments, j’attends de pour voir ces chansons en live. Je pense qu’il s’agit de notre meilleur album.

Quelle chanson est la plus difficile à jouer en live ?

Vlad Parshin : Je ne sais pas. Pour l’instant nous n’avons pas encore eu la chance de jouer les nouvelles chansons dans notre local de répétition.

Dialogues de Motorama est paru le 21 octobre 2016 via Talitres.

Thx to E.M.