C'est l'histoire d'un disque parfait. Folklore de Matthew Edwards and the Unfortunates redonne de l'espoir aux orphelins des Commotions et aux amoureux transis de Graham Greene.

Matthew Edwards reprend la palette de gris laissée en jachère par David Freel (Swell) pour chanter son retour dans sa Birmingham natale et suscite en nous la plus grande des admirations.
Enregistré avec John A. Rivers (Felt, Dead Can Dance) et par Robert Taylor, Folklore a hanté notre année 2017 et devrait s’immiscer dans les nuits de 2018.

Tu as écrit que Folklore était la chronique de ton retour à Birmingham… Pourquoi avais-tu quitté cette ville ?

Matthew Edwards : J’ai quitté Birmingham parce que son atmosphère m’étouffait. J’ai été élevé à la dure et cela commençait à devenir pesant. Je ne faisais plus de musique ni d’études, je n’étais pas en couple et je n’avais plus de patience. J’ai fait un grand saut dans l’inconnu… Je m’éloignais pour me réinventer pour ainsi dire. Je suis allé en Asie du Sud-Est puis en Inde avant de finir à San Francisco où j’avais des amis. Cela devait être pour cinq semaines… J’y suis resté pendant vingt ans.

La Californie te manque-t-elle ?

Les États-Unis me manquent en général. Même encore aujourd’hui, j’aime toujours la beauté des idées de ce pays, cela malgré le climat diabolique qui y règne. Mais je ne peux pas non plus ignorer les actions laides et répugnantes perpétrées qui sont faites par les hommes blancs cupides et applaudies par ces mêmes-hommes.
Ce qui me manque est de ne pas pouvoir aller au désert californien, à Joshua Tree et dans le Mojave. Je m’y sentais comme chez moi, au calme dans un silence bercé par la lumière et les étoiles. C’est agréable de s’approcher de l’essentiel, surtout pour un garçon qui a toujours aimé vivre dans des grandes villes.

Comment s’est passé l’enregistrement de Folklore ?

L’enregistrement des chansons a été une expérience merveilleuse. Ce qui a servi à écrire les chansons moins… Avec le recul, je me rends compte que j’aurais aimé appeler le groupe Matthew Edwards and the Lucky So and So’s ou quelque chose de plus positif. Il nous est arrivé tant de choses aux membres du groupe et à leurs familles respectives que c’est un miracle que le disque soit sorti. Je nous ai crus maudits. Toutes sortes de catastrophes personnelles nous ont frappés. Mais nous les avons dépassées et cela nous a rendu plus fort.

Pourquoi avoir choisi de travailler avec le producteur John A. Rivers ? D’ailleurs, comment l’as tu rencontré ?

J’aime simplement travailler avec des professionnels c’est à dire des gens qui travaillent vite et intelligemment. Je ne suis pas un technicien, mais je sais ce que je veux et j’ai besoin de quelqu’un qui soit capable traduire mes idées et d’ajouter les siennes sans pédanterie et surtout sans parler de technologie… Et ce mec est John Rivers. Je ne suis pas un étudiant attardé qui enregistre dans sa chambre, j’aime les studios « à l’ancienne » et celui de John est exactement ce studio. De plus, John est un mec adorable. Il crée une ambiance où tout le monde se sent bien.
J’ai rencontré John il y a des années grâce à mes amis de Cult Figures qui ont fait un single pour le label Swell Maps dans son studio avec Nikki Sudden. Plus tard, j’ai connu Mick Lloyd qui était un des premiers bassistes de Felt. Lui et Lawrence aimaient John. Il semblait toujours être mentionné par des amis et il avait une cachette plutôt cool. John a fait de grands disques.

Combien de temps cela vous a pris ?

L’enregistrement a pris à peu près un an et a été fait de façon fragmentaire. Dès que je pouvais m’y mettre, je le faisais. Nous avons répété les chansons assez soigneusement et nous avons fait toutes les bases en trois sessions. Certaines choses ont été enregistré en Californie : certaines parties avec mon ami (maintenant décédé) Jeron Thomson et d’autres avec Eric Drew Feldman. Fred (Frith) a aussi enregistré des choses là-bas comme mon autre guitariste Isaac Bonnell. L’autre invité de l’album était Dagmar Krause qui a enregistré ses parties à Leamington chez John. Une journée de magie absolue et d’émerveillement : faire chanter un de mes chanteurs préférés sur mes compositions était plus que je n’aurais jamais pu l’espérer. Dagmar est un type brillant et j’espère que nous travaillerons ensemble de nouveau.
L’album n’a pas coûté beaucoup pour être honnête. Travailler vite, travailler intelligemment et nous avons pas mal réfléchi sur le papier. Puis, quand des surprises se produisent, vous pouvez les laisser venir… Je donne carte blanche aux petits gars qui jouent avec moi. J’écris les chansons mais elles peuvent apporter ce qu’elles veulent au groupe.

Pourquoi avoir choisi le mot Folklore en guise de titre ?

Revenir à Birmingham après si longtemps était franchement difficile : j’ai été confronté à la maladie et à l’incertitude. J’avais besoin de m’occuper alors j’ai commencé à travailler sur un mémoire psycho-géographique (cela fait un peu prétentieux) de mon ancien quartier : Small Heath. J’y évoque la famille, les souvenirs… Birmingham est une ville de conteurs, de folkloristes pourrait-on même dire. J’ai été ré-immergé dans cette culture à mon retour, donc le titre est né de ça. Les chansons ont toujours une histoire et elles sont souvent vraies.

Tu es originaire de Birmingham. Es-tu fan de Felt ?

Bien sûr ! Felt est l’un des groupes de Birmingham par excellence. Je ne suis pas un grand fan de la musique indie de cette époque mais l’exception a toujours été Felt. Je pensais qu’ils avaient beaucoup de style et d’aplomb : des titres magnifiques, de bons cheveux, les bonnes guitares … mais aussi des airs. Lawrence est un gars très brillant aussi.

Quelles différences fais-tu entre The Fates & Folklore ?

The Fates reste un album américain. Je pense que ses qualités sont sombres. Il est rempli de réflexions tristes prononcées dans un bar. Une grande partie de cet album a été écrite quand je marchais dans San Francisco la nuit ou quand je dansais au Lucky 13 ou au Latin American Club. Des endroits connus pour leurs mets et leur son.
Folklore est une chronique de mon retour en Angleterre : pour le meilleur ou pour le pire, pour plus les aspects les plus riches et pour plus les plus pauvres ! Ah ah ! Je pense que Folklore est aussi un disque « spirituel » : on y croise des « fantômes » oubliés qui réapparaissent, des nouveaux fantômes et des vieux souvenirs.

Quels sont tes projets pour 2018 ?

Franchement, exception faite de la sortie de Folklore, 2017 a été une annus horribilis pour le groupe. Une chose qui a énormément racheté l’année a été la façon dont le disque a été accueilli en France. J’ai joué mes premiers concerts en France l’année dernière et j’ai trouvé un public prêt, attentif et à l’écoute. La France a renouvelé ma foi quand j’étais au plus bas. Mon espoir est donc de revenir, très probablement en mars, puis peut-être plus tard. Nous verrons…
Faire des disques me consume complètement et je ne sais pas combien je vais pouvoir en gérer, physiquement ou mentalement. Cependant, j’ai déjà écrit le prochain disque. C’est une évolution dans un style différent, beaucoup plus discret et plus autobiographique. Ce pourrait être le dernier que je fais. C’est ça… Ce pourrait être le dernier ? J’aimerais que quelqu’un veuille comprendre ce que je fais pour soutenir et pour sortir le prochain album. Et si un label plus grand pouvait le sortir ? C’est mon espoir.

Après cette terrible année qu’a été 2017, je suis impatient de jouer plus de concerts, de travailler et de jouer. J’aime cette course-poursuite un peu ridicule.

Matthew Edwards & The Unfortunates - Folklore

Folklore de Matthew Edwards & The Unfortunates est disponible Gare du Nord Records.
Matthew Edwards & The Unfortunates sera en concert les :

  • 20 mars 2018 à Saint-Lo
  • 23 mars 2018 à Lesquin
  • 24 mars 2018 à Paris

Matthew Edards and The Unfortunates - Folklore

Tracklist : Matthew Edwards & The Unfortunates - Folklore
  1. Birmingham
  2. Lazy
  3. Folklore
  4. When We Arrived at the Mountain
  5. Ungainly
  6. I Can Move the Moon
  7. The Willow Girl
  8. Song of Songs
  9. Home
  10. A Young Man

English text

You said that Folklore is the chronicle of your return at Birmingham… Why did you leave your city ?

I left Birmingham because it was suffocating me. The harshness I had been brought up on there and had embraced at a younger age started to grate. I was out of music, out of college, out of a relationship and out of patience. So, I leapt into the dark… which meant walking away from everything in an attempt to reinvent myself in a way. I was in SE Asia and India then to San Francisco where I had friends. Intending to be there 5 weeks… Ha, 20 years later.

Do you miss California ?

I miss the United States in general. Even now, considering the diabolical times there I can still value the beauty in many American ideals. But I cannot ignore the more repugnant ones and sadly the ugliness that is being perpetrated/applauded there by foul greedy white men.
I miss being able to go to the desert: the CA desert, Joshua Tree, the Mojave. I feel very at home and calm in the silence out there and the light and the stars. It’s lovely to get close to the primordial; especially for a lad who has always lived it big cities.

How easy was the recording process of Folklore ?

Recording the songs themselves was a wonderful experience. The background to the writing and recording less so. In hindsight I wish I had called the group Matthew Edwards and the Lucky So and So’s or something more positive. So many things happened to each of us away from the group that it is surprising the record came out as well as it did. I felt sometimes as though we were cursed. All manner of personal catastrophes befell us… But that was then and now I think we are past it and getting stronger.

Why did you choose to work with John A. Rivers ? How did you meet John ?

I simply like working with professionals, people who work fast and smart. I am not a technician but I know what I want and I need someone who can translate my ideas and add their own without pedantry or fogging things up with a load of tech babble… and that guy is John Rivers. I am not a bedroom doodler, I like a an old school ‘real’ studio set up and John’s place is exactly that. Plus, John is lovely guy. He creates a vibe where everyone feels good.
I first met John years and years ago via my friends the Cult Figures who did a single for the Swell Maps label at his studio with Nikki Sudden producing. Later I knew Mick Llloyd who was an early bass-player in Felt and he and Lawrence loved John. He always seemed to be being mentioned by friends and he had quite a cool cache. John has made some smashing records.

How did long it take you ?

About a year recording in a piecemeal manner whenever I could afford to. We rehearsed the songs quite thoroughly and did all the basics in three sessions. More recording was done back in CA: some with my (now deceased) friend Jeron Thomson and some with Eric Drew Feldman. Fred (Frith) recorded back there as did my other guitarist Isaac Bonnell. The other guest on the album was Dagmar Krause who we recorded in Leamington at John’s. A day of absolute magic and wonder: to have one of my very favourite singers sing on my compositions was more than I could have ever hoped for. Dagmar is quite brilliant and I hope we work together again.
The album didn’t cost much to be honest. Work fast, work smart and do a lot on the drawing board. Then when surprises happen you can let them flow… I give the chaps who play with me small directives but usually carte blanche. I write the songs but they can bring what they want to the pot. I only work with people A, I like and B, are good.

What’s the reason behind the album title ?

Returning to Birmingham after so long away was difficult frankly: I was faced with illness and uncertainty. I needed an outlet so I started working on a psycho-geographic memoir (how pretentious) of my old neighbourhood: Small Heath -memories and family etc. Birmingham is a city of storytellers: folklorists almost. I got re-immersed into that culture on my return so the title sprang from that. The songs always have a story and they are often true.

You are from Birmingham. Do you love Felt ?

Of course! Felt are one of the quintessential Birmingham bands. I am not an enormous fan of the indie music of that era but the exception has always been Felt. I thought they had great style and aplomb: wonderful titles, good hair, the right guitars… but also tunes. Lawrence is a very bright chap too.

What are, for you, the differences between The Fates & Folklore ?

‘The Fates” is still an American album. I think it has a noir-ish quality: it is full of bar-room laments. Much of that album was written walking around San Francisco at night, popping into Lucky 13 or the Latin American Club for sustenance and to watch and listen.
‘Folklore’ is a chronicle of my return to England: for better or worse, for richer for poorer, ha ha! I think ‘Folklore’ has a ‘spiritual’ element too: forgotten ‘ghosts’ reappearing, new phantoms and old memories.

What are your projects/plans for 2018?

Frankly, aside from the release of ‘Folklore” 2017 was an annus horribilis for the group. One thing that hugely redeemed the year was the way the record was received in France. I played my first shows in France last year and found a willing, attentive and attuned audience. France really has given me renewed faith when I was at a terribly low ebb. So, my hope is to return, quite probably in March then perhaps again later. We’ll see…

Making records utterly consumes me and I don’t know how many more of them I can manage, physically or mentally. However, I have the next record written. It will be a step into quite different waters, much more low-key, more autobiographical. It could be the last one I make: It feels like it could be? I’d love someone to want to understand what I am doing enough release the next record: a ‘bigger’ label to support it. That is my hope…

After the kurfuffle of 2017 I am just looking forward to playing more shows for people, working, playing. I still have great desire for this ridiculous pursuit…


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Pouet? Tsoin. Évidemment.

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