Avec un visuel rajeuni et percutant, le festival les Nouvelles Voix de Villefranche sur Saône s’affirme comme le festival de la jeune création tous azimuts. Il aura lieu du 14 au 20 novembre. Rencontre avec Olivier Boccon-Gibod, son programmateur.

C’est la 12ème édition du festival, quelle a été son évolution ?

Cela fait ma sixième édition pour ma part, au départ on était sur la découverte chanson, et plus on avance on se rend compte que les frontières entre les esthétiques se cassent et que l’on est presque dans l’émergence des musiques nouvelles. On ne se pose plus la question des genres. Après on organise les soirées pour que cela soit cohérent et lisible par le public. Et l’on va chiner dans toutes les esthétiques, on va chercher les artistes qui sont en train d’écrire leurs débuts de carrière mais aussi le début de quelque chose de plus grand qu’eux, ceux qui sont en train d’initier quelque chose.
La plupart des artistes programmés n’ont fait qu’un album voir un EP, on déroge quelque fois pour certains car on considère que ce qu’ils proposent est novateur au sens large, je pense notamment cette année à The Shoes.

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Maissiat est venue en coup de cœur en 2013 avec un disque chanson dans notre ligne pure et dure, elle revient avec un deuxième disque où elle s’ouvre, elle fait rentrer quelque chose de plus pop, de plus anglo-saxon tout en gardant son écriture racée et francophone et qu’il y a quelque chose de tellement neuf que l’on a voulu témoigner de cela. On est aussi un festival qui peut accompagner les artistes sur la durée, Maissiat est une très grande qui est en train de naitre sous nos yeux et l’on voulait vraiment montrer et témoigner de deux étapes, les balbutiements et maintenant une forme d’épanouissement affirmé, de plus mature avec ce deuxième album.

17 artistes programmés dont 9 femmes, le manque de femmes a fait polémique à Cannes, est-ce aussi une volonté ou c’est le hasard ?

En fait je pense que c’est à l’image de l’époque, la création, une fois que l’on casse les cloisons, elle est partout. C’est le reflet du fait que les femmes sont autant si ce n’est plus à l’initiative de la nouvelle création actuellement. Le festival est le reflet de cette émergence créatrice, donc ce n’est pas fait exprès, c’est juste la réalité du moment. On ne se pose plus la question du genre. Même dans les groupes, on ne se pose plus la question. Par exemple Grand Blanc où le chant alterne entre Benoit et Camille et se mélange avec une musique hybride qui se pose moins de questions.

Quel est le public visé ? La région, au-delà de la région ? Quel est votre objectif en termes de public ?

On a un public caladois très fidèle, on rayonne sur Lyon et la région, c’est acquis et de plus en plus au-delà du fait d’une programmation singulière et ambitieuse. Plus que le public, on cherche les artistes et notre proposition originale a donc une visibilité. Le public vient en confiance, sans forcément connaitre l’ensemble de la programmation mais assuré de belles surprises artistiques dans un cadre privilégié. L’écrin du théâtre permet avec 700 places une réelle intimité et proximité avec les artistes, mais on peut avoir aussi des décibels ce qui crée un décalage dans un lieu institutionnel. Par exemple, Soom T dans le théâtre, cela va être quelque chose ou The Shoes et leurs visuels avec le balcon, même si on enlève quand même les fauteuils des premiers rangs pour permettre aux artistes de libérer leur énergie va être un moment très fort.

Vous avez quand même du nez, ces dernières années avec Christine And The Queens, Fauve, Woodkid, Feu ! Chatterton, Radio Elvis l’an dernier, quel est ton secret ? Comment fais-tu pour dénicher un peu avant tout le monde les talents qui feront l’actualité musicale de demain ?

Je suis aussi producteur d’artistes et de concerts, je vois des concerts toute l’année, plusieurs par semaine et dans l’immense spectre d’artistes que je scanne, lorsque quelqu’un amène quelque chose de neuf, cela se voit tout de suite, il nous marque, je ne fais pas l’effort de chercher, certains artistes s’imposent d’eux-mêmes comme Fishbach et la raison d’être du festival Nouvelles Voix c’est de partager ces émotions et ces découvertes. Et j’insiste sur cette notion de parcours et de début de parcours, on est fier de défendre ce type d’artistes car on a la conviction qu’ils vont avoir une carrière comme tous ceux que tu as a cités ou Jain l’an dernier et cette année on est persuadé qu’il se passera des choses pour Norma, Fishbach ou le belge Nicolas Michaux.

Teaser – Festival Nouvelles Voix 2016

6 jours de concerts dans 6 lieux différents, pourquoi avoir choisi des concerts éclatés dans ces lieux ?

Le festival est porté par l’ensemble de l’agglomération de Villefranche sur Saône avec une envie d’amener de la musique dans des endroits où il n’y en a pas forcément des événements récurrents à l’année. Et puis il y a certains lieux sur le territoire caladois qui se prêtent parfaitement à certaines propositions artistiques, je pense par exemple à Tim Dup et Pomme au centre culturel de Gléteins à Jassans-Riottier, un petit écrin pour des artistes de l’intime qui vous murmurent dans le cas de Pomme les histoires d’amour d’une jeune fille de son temps ou Tim Dup avec son piano plus dans une rébellion mais quand même introspective.

Pomme – Sans toi

Et a contrario, cela nous permet d’avoir aussi un décalage de proposition, je pense à Ala.ni, une artiste anglaise au rayonnement international qui a travaillé avec Damon Albarn que l’on peut inviter dans un endroit sur mesure, le petit théâtre de Gleizé qui va accueillir 150 privilégiés, tellement privilégiés que l’on va jouer deux fois le concert, une fois à 19h et ensuite à 21h. On voulait un moment unique pour une artiste sensible, ne pas être le énième théâtre où elle se produit et être dans la proximité la plus totale entre sa finesse et le public. On a donc ouvert un deuxième concert non pas parce que le premier était complet mais pour faire profiter un plus grand nombre d’un instant présent unique et d’un échange avec le public. Tout le monde se sent privilégier, y compris l’artiste. Et tout cela est possible par ce que l’on travaille avec le territoire de l’agglomération.

ALA.NI & Villagers – Cry Me a River | A Take Away Show

Pareil pour le jeune public, avec la ville de Limas et sa salle parfaitement adaptée pour le mercredi après-midi ou avec le conservatoire avec cette année Gaël Faure. C’est quelque chose auquel on tient beaucoup car là encore il y a un échange fructueux entre la classe de musiques actuelles du conservatoire et l’artiste, des questions surgissent des deux côtés. On n’est plus axé seulement sur l’œuvre, les élèves montent sur scène et des liens très forts se nouent entre les artistes et les intervenants et les élèves. Par exemple, a chorale amateur a chanté ensuite sur le disque de Slow Joe et c’était très fort.

Ton coup de cœur cette année ? Ou le nom de l’artiste / groupe dont tu es le plus fier dans cette programmation 2016 ? Tu aurais un rêve de programmateur, le kiffe ultime ?

Alors pas vraiment mais tous les ans on se disait qu’il fallait que l’on ait The Shoes et c’est enfin le cas cette année ! Cela fait trois ans que l’on tourne autour sans concrétiser pour des raisons de calendrier et c’est enfin la bonne. On est vraiment très content, on les voulait vraiment, c’est tellement l’image de notre festival et cela va même faire bizarre quand on va commencer à réfléchir pour l’an prochain de ne plus y penser. Ils n’en sont qu’au deuxième album, ils pensent la façon d’être musiciens autrement, ils sont producteurs pour d’autres artistes, ils sont musiciens dans d’autres formations mais ont quand même leur identité propre très forte qui mélange de la pop, de l’électro, du chant, parfois pas de chant, ils possèdent une façon d’écrire nouvelle, loin des codes hérités du siècle précédent… Pour nous c’était une évidence, c’est l’essence même de ce que l’on veut montrer de ce qui se passe en France en création aujourd’hui. Vraiment The Shoes, c’était un rêve et l’on a surtout envie de crier que l’on est très satisfait de la programmation 2016, on rêvera à nouveau en décembre. (NDLR : Malheureusement, The Shoes a été contraint d’annuler pour des raisons de santé et sera remplacé par les Naive New Beaters)

Naive New Beaters – Heal Tomorrow (Clip 360° ft. Izia)

Je suis aussi par ailleurs très heureux d’accueillir Yelli Yelli car on l’avait invité sous son ancien nom Milkymee, elle faisait de la pop anglophone et elle n’avait pas pu venir pour des problèmes de santé de dernière minute. Du coup la faire revenir et ouvrir le festival avec ce nouveau projet est un vrai bonheur, avec une nouvelle écriture qui lui correspond à cent pour cent, à la fois avec sa culture anglo-saxonne / blues et ses racines kabyles. C’est aussi une écriture très élégante qui ne se pose pas la question des frontières qui va puiser dans ses racines avec des choses plus modernes.

Yelli Yelli – Yemma

Et puis enfin on est très fier d’avoir Tim Dup qui propose quelque chose de très neuf, une écriture instinctive, c’est un futur grand que l’on l’accompagne en résidence une semaine pour travailler son projet dans le théâtre. On est très heureux au-delà de la diffusion dans le cadre du festival Nouvelles Voix, d’agir auprès de la jeune création.

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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