Jil est assurément Lucky en ce début de 2010, non pas par hasard mais grâce aux voyages, aux rencontres, et au travail artistique acharné même s’il proclame avec un peu de provoc, don’t work, sur leur premier album sorti il y a près d’un an.

Âgé aujourd’hui de 25 ans, il risque raisonnablement de tout rafler cette année. Déjà lauréat du Fair 2010, bientôt reconnu dans le monde entier grâce à la pluie de coquelicots de la publicité Kenzo et mélodie imparable empruntée à The Wanderer, écumant les clubs avec des perles pop fragiles et autobiographiques, adepte des poneys dans le Vercors façon Help des Beatles, défenseur du lycra moule burne piqué aux biomen et des moon boots façon Chubaka, et cette semaine remarqué dans Taratata avec en prime un duo détonnant avec Elyas Kahn de Nervous Cabaret, Jil is Lucky est définitivement inclassable.

Jil est un extra terrestre débarqué sur terre avec ses amis biomen, Black Rabbi, La Vega, Steamroller, et Superschneider. En bon clochard céleste qui se respecte, il a roulé sa bosse dans la galaxie des bars glauques et des caf’conc dès l’âge de 12 ans avec son frère Bensé. Bourlingueur infatigable, certains l’auraient rencontré dans les bouges de Mumbai ou de Madras, aperçu dans les ruelles du ghetto de Lublin, croisé dans les bas fonds de Tribeca, New York, nouvelle Babylone musicale, dans le Sidi Bel-Abbès de son enfance ou encore piratant le concert pourtant déjà sauvage des Wampas gare de Lyon à Paris où il fait étape avant de prochaines déambulations.

Discographie

Couteau suisse de la musique, il reprend aussi bien le What’s up des 4 Non Blondes que le Perfect Day de Lou Reed et joue aussi bien dans le métro que dans les lavomatics. Gourou nihiliste d’une bande de Melting Pot(es) aspirant à « gangréner la société en ne faisant rien et en véhiculant une idéologie de fumiste », Jil et sa bande de hippies de choc balancent en live leur folk philosophique, leur pop surréaliste, leur rock syncrétique. Ils prouvent que l’on peut être pris au sérieux sans l’être avec un coeur énorme et un talent indéniable.

Citoyen du monde, Wanderer branleur, Zébulon aux lunettes en coeur, Jil nous reçoit quelques minutes avant son concert à Lyon sur une péniche, Le Sirius qui pourrait être le symbole de ses pérégrinations. On revient sur le disque qui est presque de l’histoire ancienne, très éloigné maintenant des prestations scéniques du groupe. « Nous on fait du rock, la scène est le négatif de l’album, le jour et la nuit, on joue très électrique, il y a un décalage avec l’album car l’enregistrement date de septembre 2008, c’est loin et il mélange plein de sons souvent acoustiques… moi ce qui m’intéresse c’est de faire du pur pop rock, c’est là d’où je viens… »

La pochette de l’album avec ces quatre flashy fanatiques donne un écho ironique au pseudo débat sur l’identité et aux querelles sur le voile. « J’ai voulu souligner le côté ridicule des intégristes, surréaliste des religieux qui m’emmerdent, les voir se prendre la tête sur leur connerie de bouquins, désuets et qui ne servent à rien, dont personne ne sait comment ils ont été au final écrits… j’ai fait beaucoup de catéchisme, j’ai fait ma bar mitzvah, la moitié de ma famille vient d’Afrique du Nord et j’ai pu vivre et comprendre ce côté surréaliste des religions… du coup je les trouve un peu ridicule, et je les ai mis tous ensemble sur la pochette dans cet accoutrement pour montrer qu’ils le sont tous à égalité. »

Jil is Lucky – The Wanderer

Vous êtes en train de vous imposer, cette année risque d’être très « lucky ».

« Je suis un gros branleur, je n’ai jamais eu l’intention de bosser, de me lever le matin et de faire une journée de huit heures en me posant le cul dans un bureau pendant 40 ans, j’ai envie de faire de l’art quoiqu’il arrive, j’en ai pas toujours vécu, j’ai galéré, j’ai fait de la peinture, de la sculpture, là je fais du rock, pas dans un concept de carrière qui me fait gerber, j’essaye de passer dans les mailles du filet et de vivre à côté de ça, je pense que dans l’art il ya une vérité qui est palpable, et quand on arrive à exprimer quelque chose avec, on ne peut pas en revenir, comme un truc définitif, c’est comme un acide surpuissant et on y reste, et quand on y reste, c’est fini, on aura toujours ça en nous, il y a un déclic qui se fait dans le cerveau, mais on y reste… »

Et vous en vivez

« Oui maintenant on arrive a faire vivre le groupe, la pub Kenzo est arrivée d’un coup, le directeur artistique nous a appelé en juillet en nous disant que la nouvelle pub c’était comme ça et si on était intéressé…, bien sûr on a dit oui car c’était aussi une superbe rencontre, je connaissais le travail photo et réalisation du metteur en scène Patrick Guedj, en plus financièrement c’est intéressant, ça permet de faire vivre tout le monde, ça fait connaitre le disque, on fait une tournée européenne, une en Amérique du Sud, au Mexique par exemple, on fait de bonnes salles, donc c’est un gros coup de pouce…. et là, ce qui est marrant c’est de jouer dans des petits clubs ici ou en Suisse d’où l’on revient pendant qu’une grosse tournée se monte parce ces dates ont été calées bien avant tout cela… cela nous permet de garder un très bon contact avec le public, les suisses faisaient la queue dehors à Vevey ou à Nyons »

Tu penses quoi de ce succès « revival folk » type Charlie Watson ?

« C’est pas de la folk, la folk c’est ce que jouaient les américains il y a 40 ans… C’est de la musique populaire, chacun y met des formes différentes, pour Charlie ça fait 10 ans que je le connais, qu’on joue ensemble son Like a hobo, 10 ans qu’il le traine, il a mis longtemps pour être signé mais quand ça c’est fait, tant mieux pour lui, il a pas fait ça pour être dans un revival de quoique ce soit… pour lui et pour nous, on est peut être arrivé avec le bon truc au bon moment, peut être un besoin des gens à ce moment là car la même thématique avec the hobo et the wanderer. »

Tu as des influences variées dues à ton parcours familiale et personnel…

« J’aime mélanger mes origines dans ma musique mais plus comme un peintre qui met des touches de couleur sur un tableau, d’un coup, une petite touche va te rappeler quelque chose, comme les impressionnistes, des petites touches qui te font découvrir quelque chose mais qu’on ne saisit pas forcément »

Vous vous sentez vraiment indépendants dans ce que vous faites ?

« Bien sûr, on a signé chez Roy, ils sortent les artistes qu’ils aiment, et on se bat pour ça, pour ne pas être dans ce monde des majors et du pognon, c’est un gros boulot aussi, ce n’est pas de la chance, on a beaucoup tourné, galéré. Dans la musique, il y a vachement ce truc là, la chance de sortir tout de suite, enfin moi, 95% de ce que j’écoute c’est à chier donc cela ne m’étonne pas que les mecs galèrent (rires) »

Avec la très classieuse expérience Kenzo, composer pour le cinéma t’attire t-il ?

« La musique de film me branche grave, depuis qu’on a composé l’album on a eu beaucoup de propositions de synchronisations, de mises en images, des trucs picturaux, c’est ce que j’aime faire comme peindre des tableaux… »

Tu as commencé très jeune…

« J’ai fait les bars avec mon frère, (Bensé en solo, La Vega avec JIL) où les gens bourrés n’écoutaient pas vraiment, j’étais bassiste, pas chanteur donc… Après je me suis retiré un peu, j’ai fais des études, une prépa littéraire, une maitrise de droit, j’en ai profité aussi pour voyager ce qui a nourri mes chansons »

Avant de te laisser naviguer sur cette péniche, quel artiste aimerais-tu faire découvrir ces temps-ci ?

« Et bien un bon pote, Julien Pras qui sort son album solo, Southern Kind Of Slang et qui fait notre première partie à la Cigale à Paris, il est adorable, possède une superbe voix à la Elliot Smith, son disque est fabuleux, j’espère que ca va marcher pour lui, sinon j’écoute plein de trucs différents, du Led Zep en ce moment dans le van, les vieux live qui te donnent une putain de claque… Sinon, un bouquin énorme, Lipstick Faces ou l’histoire secrète du 20ème siècle, essai musical, philosophique et social de Greil Marcus, qui mêle littérature et rock, c’est fabuleux, l’histoire de la subversion, ce qui lie les artistes et les littéraires subversifs entre eux de St Just au Sex Pistols en passant par Debord, de St Just aux punk avec les Situationnistes au milieu, c’est passionnant »

Et Jil tel un fragile et fantasque funambule fumiste rejoint son public à « l’heure du goûter » ironise t-il (le concert est à 18h) pour donner un show torride en plein Winter (not) over.

Jil is Lucky sera en concert à Londres le 9 mars avec l’excellent groupe belge The Vismets, à La Cigale à Paris le 7 avril, et sera de retour à Lyon le 30 avril avec Minor Majority et Hey Hey My My.

Taratata est diffusé vendredi 12 février à 00h50.

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...
6 réponses sur « Lucky Strike ! »

Le « Charlie Watson » c’est quand même fortiche !!!! C’est pas comme si on n’entendait pas son nom partout lol

Sinon au passage, il était bien top ce petit concert de Lyon :)

Et toujours au passage, un petit lien >> http://www.jilislucky.fr

Bon ok j’aurais du mettre des guillemets, je vois que la blague est un four ;-) un petit four ;-) C’est justement parce qu’il me sort par les yeux ou plutôt les oreilles…

ah oui là il est vrai qu’écrit comme ça, ça sonnait pas blague lol All apologies !

@Alain >> thanks ! (oui j’avoue il est de moi)

Oh pinaise… Ce titre est une madeleine qui me rappelle le bon vieux temps de l’Indé 30… ;-)

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