Les contes d’automne de Dominique A

Pendant que l’on glisse le disque dans la platine, on croise sur la pochette le regard flou de Dominique A dans un reflet qui regarde droit devant pour mieux nous sonder par ricochets. Quelques notes de cathédrale s’égrènent et dès les premiers mots, nous sommes des papiers froissés, des gosses avec le cœur pilé, notre gorge se noue, nous renvoyant à notre vie étrange, « inquiète et nue ».

Dominique A accompagne la notre depuis si longtemps, il nous a fait passer l’hiver bien des fois, nous a tant remué, nous a permis de regarder l’horizon grâce à la musique, les yeux vers les lueurs, malgré la fragilité. Avec ce quatorzième disque, il atteint son acmé et c’est rare. Arrangements dépouillés, mots simples pour des sentiments simples avec une voix apaisée chantant les histoires de nos quotidiens comme Annie Ernaux en littérature. Et ces jours, on a bien besoin de cet endroit mystérieux, de cette éclaircie, de s’accrocher à ces wagons de porcelaine pour se tenir éveillé. Et l’on finit le cœur battant sur les pulsations de ce sol d’automne sans une feuille, on ne se sent plus seul puisque Dominique nous rassure.

Dominique A – Papiers froissés

Nous sommes des papiers froissés
Des gosses avec le cœur pilé
Qui jouent entre eux à se blesser
Quand ils échouent à se faire rire
Regards obliques, bras entravés
Et tant de bois à traverser

Mais à quoi bon les soupirs ?
Cette manie de ressasser
C’est un de nos petits plaisirs
Une façon de se défroisser

Il y a des arbres sacrifiés
Quelques soirs d’été pour tenir
Même lorsque l’amitié chavire
Parce qu’il y a trop à pardonner

À quoi bon les soupirs ?
Cette manie de ressasser
C’est un de nos petits plaisirs
Une façon de se défroisser

Nous qui sommes des papiers froissés
Des gosses avec le cœur pilé
Qui jouent entre eux à se blesser
Quand ils ne savent plus se faire rire