Qui n'a pas encore entendu parler de Feu! Chatterton brûle en enfer ou court écouter ces Nouvelles Voix samedi prochain.

Si près des berges du Rhône a tangué le navire ! Rencontre sur l’eau avec Feu! Chatterton, un groupe très rock qui a su scotcher le Sonic le 16 octobre dernier à Lyon pour un très bon concert de l’avis du groupe et qui va enflammer la grande scène du Théâtre de Villefranche sur Saône ce samedi 22 novembre dans le cadre du festival Nouvelles Voix en Beaujolais.

Difficile de retranscrire les réponses de Feu! Chatterton tant les 5 membres répondent sans à-coups, chacun prolongeant la phrase de l’autre. Alors si Arthur chante, le groupe répond d’une seule voix et l’on espère qu’il fera long feu !

Discographie

Commençons peut -être par une question bateau puisque nous sommes sur une péniche ! Feu! Chatterton, on vous décrit souvent comme un groupe de « dandys » un peu littéraires, vous vous reconnaissez dans ces attributs ?

En partie, mais pas dans l’aspect pompeux, en fait en disant « dandys littéraires » il y a un aspect de ce qu’on fait qui est dévoilé mais il y en a un qui manque quand même. C’est celui plus spontané du rock’n’roll, de la nervosité, d’un geste simple. Le dandy littéraire donne l’impression de quelque chose qui est perpétuellement réfléchi, posé, joué. Oui c’est vrai il y a de ça, on assume la volonté de faire des chansons exigeantes pour nous en tout cas. Mais il y a autre chose de vraiment plus organique dans ce qu’on fait, de plus spontané, de plus naturel.

Quand on vous écoute pour la première fois on n’adhère pas tout suite, parce qu’il y a ce côté peut-être un peu excessif dans ton jeu de voix Arthur, mais en fait il y a beaucoup d’images qui viennent à l’esprit, c’est très visuel presque des scènes cinématographiques à l’image d’un Jean Philippe Toussaint en littérature.

C’est quelque chose que je reçois comme un compliment parce que c’est ce qui me plaît d’essayer de faire germer quelque chose d’un peu cinématographique. Et l’influence du hip-hop a cela aussi. Dans le rap que j’écoute, non seulement il y a ce travail sur la métrique, sur le rythme mais il y a aussi dans le rap, le hip-hop ce visuel très graphique. Par exemple, le dernier morceau que l’on vient d’enregistrer qui est un long mouvement de 15 minutes, que nous allons jouer ce soir, la fin de ce morceau, il y a quelque chose de très visuel dans l’écriture et j’en suis très fier pour cette raison là, quand je le scande, les images affluent.

Comment faites-vous accepter à votre futur label, une plage de 15 minutes sur un EP ?

On a la chance d’être encore indépendant, d’avoir enregistré cet EP grâce au prix que l’on a gagné l’année dernière, on l’a produit comme le premier EP nous-même et ce sera le nouvel EP. Un morceau de 15 minutes qui fait 4 titres en continu. Ce n’est pas un concept album, mais quatre mouvements d’un même titre, pas quatre titres indépendants même si bien sûr on peut les écouter indépendamment. Et puis on a la chance d’être un peu courtisé par certains labels ce qui nous permet aussi d’exiger une liberté artistique totale.

Votre premier EP est sorti en septembre dernier, le clip La Mort dans la Pinède connaît un réel engouement depuis 6 mois alors qu’il est sorti il y a presque trois ans.

Quand le clip est sorti personne ne s’y est vraiment intéressé ! On a continué à bosser, à écrire des titres, à faire plein de concerts à Paris dans plein de bars et d’endroits différents. Et puis un jour ce titre a commencé à plaire à peu près deux ans après sa sortie, on a commencé à faire des festivals en province comme les Bars en Trans et à partir de là on a commencé à avoir un peu de presse. Les choses sont venues petit à petit, La mort dans la pinède était de plus en plus écoutée mais c’est vrai que pendant deux ans il n’y a pas eu d’engouement comme celui que l’on connaît depuis ces derniers mois. Mais justement ce qui est très drôle c’est que pendant deux ans la mort dans la pinède est restée une chanson inaperçue donc on s’enflamme pas, d’un coup il y a un intérêt qui est là, nous on a continué à travailler, à progresser sur scène, à construire ensemble le live, à écrire de nouveaux morceaux. Donc là si on n’avait pas un peu d’herbe sous le pied car on a pas mal de chansons qu’on a envie d’enregistrer pour un album peut être que l’on serait en train de paniquer… Les choses auraient peut être été différentes si cela avait marché tout de suite après La mort dans la pinède, là cela aurait été très compliqué. C’est difficile à assumer cette pression médiatique qui est à la fois une opportunité de faire connaître sa musique et donc de pouvoir venir ici, et en même temps c’est disproportionné et cela peut donner une image fausse de ce qu’on fait. C’est pour ça que le terme « dandys littéraires » au fond c’est joli, c’est gentil, mais ça peut être pris comme snob ou prétentieux.

Feu! Chatterton – La Mort dans la Pinède

Puisque nous sommes sur un bateau, parlez-nous de Cote Concorde

Il ne faudrait pas que cela soit un mauvais présage car il parait que la péniche le Sonic va vraiment être remplie (ndlr : elle l’était, voir plus ce soir là !), cela serait dommage que l’on touche le fond ! Non mais sans cynisme la chanson du « Côte Concorde », il y a de la noirceur mais pas de cynisme. On traite cela avec humour, mais au fond c’est une sorte d’hommage. Dans cette chanson on dit pas mal de choses, on prend même position politiquement à notre manière, avec un pas de côté, de façon non frontale mais on utilise ce fait divers comme un symbole car il est arrivé comme ça ! C’était incroyable que ça arrive un vendredi treize. Il y a plein de choses qui concordaient (sans mauvais jeu de mot). C’est rare que l’on fasse de la chanson engagée, c’est dur à faire sans être caricatural, sans être lourd. C’est quelque chose en France que je crains beaucoup. A ce moment là Clément arrivait avec une musique un peu aquatique, une première mouture de l’instrumental et tout est arrivé en même temps. Ce jour là on perd le triple A, le bateau est aussi un symbole de certaines opulences un peu factices de nouveaux riches, en plus on l’a appris après, Godard y a tourné son Film Socialisme.

Je reviens sur les textes et la musique, vous avez posté il y a quelques temps sur un réseau social, j’ignore lequel d’entre vous, le Edges of illusion de John Surman qui était aussi présent sur la bande originale du film Respiro avec son Nestor saga, cette ‘électro’ mélangée avec une clarinette basse…

Moi (Arthur) je l’ai posté pour faire un clin d’oeil à un groupe de hip hop, Lunatic que j’aime beaucoup. Et en même temps dans ce titre et dans le travail de John Surman en général il y a ce mélange qu’au fond on aimerait avoir avec la voix, le chant en plus. Parce que les claviers du morceau Edges of illusion, c’est une influence qui pourrait plaire à Antoine qui à la fois est contrebassiste classique et qui joue en orchestre depuis très longtemps, qui en a fait son métier avant de rejoindre le groupe, et en même temps écoute beaucoup de musique électronique et il a apporté au groupe certains claviers. Sex appeal qui est sur le vinyle est construite un peu de la même facon, une boucle de clavier et ensuite la voix et les instruments qui se posent dessus. C’est vrai que ce morceau de Surman illustre bien ce que l’on a en commun dans la musique, une démesure, il y a un mélange, il y a un moment « musique classique », cela ressemble à du Brahms, un autre moment plutôt jazz et cette boucle électronique qui n’arrête pas et c’est écrit à la fin des années 70.

Est-ce que vous vous sentez un peu à contre courant puisqu’il y a eu cette vague de cold wave 80’s qui a déferlé ces derniers temps ?

Non on ne se sent pas à contre courant. On ne se construit pas contre quoi que ce soit, on a essayé de faire tous les styles qui nous plaisaient mais en fait on ne savait pas faire ça ! ça nous ressemblait pas. Nous ce qu’on sait faire c’est écrire des chansons avec du rock et puis mettre des guitares derrière. Mais c’est vrai qu’à un moment on lorgnait un peu vers cette vague 80 parce qu’il y a quelque chose de réjouissant dans ces chansons qui arrivaient à faire sonner le français de manière un peu ludique et donc on a essayé parce qu’on trouvait ça charmant ! Mais après il y a plein de façons de faire sonner le français.

C’était une évidence pour vous de chanter en français ?

On se connaît depuis le lycée tous les trois, moi j’écrivais déjà, eux faisaient déjà de la musique ensemble, on s’est mis à en faire ensemble plus tard naturellement. Mais dès le début, cela n’a même pas été une question car on n’a pas fait de la musique pour faire de la musique. Cela parait bizarre de dire cela, mais dès le départ l’idée a été d’essayer de trouver une assise pour mes textes, ce qui était sympa de la part de mes amis ! Ce n’était pas forcément des choses à dire mais des choses à faire, à faire sortir ! On n’a pas forcément des messages. On trouve super excitant qu’il y ait plein de groupes qui chantent en français sans se poser de questions donc dans des styles très différents, Fauve, Grand Blanc, Perez… Il n’y a pas vraiment de retour au français, il y a toujours eu des groupes qui chantent en français. Cette vague 80 notamment Lescop a ré-ouvert une porte dans laquelle La Femme ou Fauve se sont engouffrés quelques temps plus tard. Une porte pas en terme de création mais peut-être une porte médiatique et une porte auprès du public. Mais le public aussi est revenu vers des artistes qui chantent en français. Mais en fait on dit tout cela mais on a du mal à voir si c’est vrai ou si ce n’est pas juste un point de vue médiatique qui se demande si il y a un truc nouveau en français.

Qui est la Malinche ? Certains le savent mais peut être encore pas tous ! Qui est cette femme mystérieuse et séductrice…

Avant de donner son pedigree littéral j’ai envie de dire que ça peut être une allégorie beaucoup plus large un peu comme le bateau en fait. Le Costa Concordia est un bateau qui a existé mais en fait c’est l’allégorie d’un bateau qui sombre, ni plus ni moins et la Malinche ce serait l’étrangère absolue qu’on désire et qu’on redoute en même temps, qu’on attend et en qui on met tous nos fantasmes et nos peurs. Mais à l’origine c’est la maîtresse d’Hernán Cortés qui quand il arrive au Mexique l’utilise pour devenir son interprète, son conseiller militaire. Elle devient sa maîtresse puis sa femme. Il l’emmène en Espagne avec lui et du coup elle est toujours dans une situation délicate, avec un caillou dans la chaussure puisque jamais chez elle, toujours mal à l’aise. Elle est considérée comme une traîtresse puisqu’au Mexique elle est partie avec le conquérant en trahissant sa nation d’origine et considérée comme une indigène au teint mat en arrivant en Espagne.

Feu! Chatterton – La Malinche

Revenons au rock et justement je ne suis pas sûr que les gens vous qualifient de groupe rock pourtant c’est vrai que c’est rock sur scène avec des morceaux qui dégagent beaucoup de sensualité

Parce que peut être la porte d’entrée elle n’est pas là. C’est vrai qu’il y a des moments fleuris ou précieux, on s’amuse de ça. C’est pas pour faire beau, c’est parce qu’il y a de l’humour. C’est drôle de chercher des sens particuliers ou des mots étranges. Ce n’est pas pour faire joli, c’est donc peut être cette porte d’entrée qui est trompeuse. et l’on fait la route pour cela, pour partager cette énergie. C’est la scène qui donne un peu la clé rock et c’est ce qu’on a essayé de faire transparaître dans l’EP. On l’a enregistré live, le deuxième EP aussi de 15 mn on l’a enregistré live. On essaie vraiment de donner cette énergie sur disque. Mais on s’oriente un peu vers la volupté justement…

Vous semblez avoir un très bon contact avec le public, même si vous êtes au début de la tournée vous ne craignez pas de ressentir une certaines lassitude de chanter vos chansons ?

On fait de très belles rencontres avec le public surtout dans les petites salles où l’on sort de scène et l’on peut boire une bière après et échanger. A Niort il y avait une famille entière, père, mère, et leurs deux filles qui connaissaient par coeur toutes les chansons, c’est vraiment très surprenant et touchant. C’est beau et puis il y a sur la route des moments d’introspection où tu te dis est-ce que cela ne serait pas un métier de grande vanité où tu déploies beaucoup de moyens pour de petites chansonnettes, des moments de doutes ? Mon métier c’est de faire des chansons, cela questionne un peu le sens d’une vie. Et quand tu te retrouves après le concert avec des gens qui te disent, « franchement j’avais besoin de ça, de partager cette chose là, cela me sort de mon quotidien… » ; tu te dis qu’il y a quand même une fonction à faire des chansons, ce n’est pas aussi vain que cela en a l’air. Ces échanges là nourrissent énormément sur la route.

Donc pas de peur, de lassitude de ces titres même si vous êtes en début de carrière ?

Non parce que cela fait déjà deux ans qu’on les chante. On les a écrites. On les a jouées, répétées. On les a enregistrées. Cela fait six mois qu’on fait de la scène comme ça. En fait c’est autre chose que tu trouves sur scène ; c’est un autre enjeu ; c’est à chaque fois au moment de chanter une chanson le défi de puiser en soi une énergie et une sincérité qui te font partager une émotion pure. Quelque chose d’honnête. Et ça en fait c’est aussi excitant et jouissif que le moment de création où tu l’inventes. Et puis les chansons changent aussi beaucoup. On en a des préférées mais cela va varier aussi. Un soir cela va être un titre, le lendemain un autre, on peut être aussi plus ou moins bien et puis on s’ennuie tellement dans le camion que quand tu nous mets sur scène, on est heureux ! (ndlr : le groupe venait de Strasbourg pour ce concert à Lyon pour repartir à Metz)

L’album sort quand ?

On aimerait le sortir en septembre prochain. Avec un deuxième EP au milieu en mars on espère.

Un proverbe chinois affirme que « L’or véritable ne craint pas le feu », venez donc le vérifier et écouter Feu! Chatterton le 21/11 au Baraka à Clermont-Ferrand, le 22/11 au Théâtre de Villefranche sur Saône, le 3/12 à La Péniche à Lille, le 4/12 au Pédiluve à Châtenay-Malabry et le 5/12 au Le Bikini à Toulouse.

Feu! Chatterton - Feu! Chatterton

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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