[1989 – 2019] Rire (et chanter) avec les Mighty Lemon Drops

En 1989, les Mighty Lemon Drops sont à la croisée des chemins. En 1988, World Without End a fait une percée conséquente dans les charts anglais et américains. Originaires de Wolverhampton, les hommes en noir avaient ce qu'il fallait pour faire la nique à Manchester et Liverpool.


Mais en 1989, les Mighty Lemon Drops ne sont plus tout à fait les mêmes. Dave Newton doit faire face au départ de Tony Linehan et se retrouve seul à barre. Les compositions de Laughter sont plus lumineuses que celles de World Without End mais témoignent d’un réel beau savoir-faire. Depuis Happy Head, leur premier album produit par Stephen Street en 1986, les chansons de Newton apportaient de la lumière au Black Country. Chéris par Geoff Travis (qui les avait faits signer sur Blue Guitar, une filiale de Chrysalis) et John Peel, les Mighty Lemon Drops pouvaient donc plier l’affaire dès 1986. Malgré un succès d’estime et des Unes du N.M.E., les Mighty Lemon Drops ne percèrent pas sur le marché et laissèrent passer leur chance.
Il reste donc à écouter Laughter et ses chouettes chansons.

The Mighty Lemon Drops - Laughter

Pourquoi êtes-vous partis aux studios Real World enregistrer ce disque ?

Dave Newton : Nous avions enregistré nos deux précédents albums (Happy Head et World Without End) aux studios Rockfield, des studios résidentiels situés dans la campagne galloise. Nous aimions bien l’idée d’être à l’écart des distractions d’une grande ville comme Londres lors d’un enregistrement. Les studios Rockfield étaient parfaits pour cela. Je ne sais plus pourquoi nous n’avons pas enregistré Laughter à Rockfield. Peut-être parce qu’ils n’étaient pas disponibles ? Nous avons donc regardé autour de nous et nous avons entendu parler des studios Real World Studios de Peter Gabriel, situés près de Bath, en Angleterre, une ville magnifique et historique du sud-ouest, près de Bristol. C’était à nouveau un studio résidentiel situé dans la ville de Boix qui faisait partie d’un complexe qui abritait les bureaux de WOMAD et de Peter Gabriel. Nous avons été l’un des premiers groupes à y enregistrer. En fait, New Order étaient les premiers, juste avant nous. Ils y ont enregistré Technique.

Pourquoi avoir travaillé avec Mark Wallis ? Comment l’avez-vous rencontré ?

En fait, nous avons commencé à enregistrer en décembre 1988 avec Tim Palmer, qui avait produit World Without End. Nous avons enregistré deux chansons aux studios Utopia de Londres, All That I Can Do et Second Time Around. Nous venions juste de terminer une immense tournée avec The Mission, qui étaient énorme au Royaume-Uni à cette époque. Nous avons joué dans la salle de Wembley à Londres ou au Birmingham NEC, etc. Nous avons terminé cette tournée après les vacances de Noël et nous avons commencé à écrire le disque, ce qui n’avait pas été possible en 1988 car nous étions sur la route. Au printemps de 1989, Tony Linehan a quitté le groupe. Il tenait la basse et écrivait les chansons avec moi. Cela a considérablement changé les choses, comme tu peux l’imaginer, en particulier pour moi car cela signifiait que j’étais maintenant le seul compositeur du groupe. J’ai donc passé le printemps et le début de l’été 1989 à écrire le reste des chansons qui allaient figurer sur Laughter. J’ai fait la plupart des démos à la maison sur mon Portastudio 4 pistes et je voulais que Paul passe chez moi et enregistre les parties vocales. Il n’y a pas eu de démos enregistrées par le groupe dans un studio digne de ce nom contrairement aux albums précédents. Nous n’avions plus le temps… Quand nous avons sérieusement à enregistrer le disque, Tim n’était plus disponible (je pense qu’il travaillait avec Bowie / Tin Machine à l’époque). Après avoir examiné divers producteurs, nous avons choisi Mark Wallis. Mark avait récemment travaillé sur beaucoup de disques que nous aimions bien comme ceux des Smiths, des Go-Betweens, des Primitives et des Icicle Works, etc.

Ce fut un enregistrement facile ?

Nous avons recruté Marcus (Williams), notre nouveau bassiste. Il nous a été recommandé par un ami et il était libre car il venait de quitter le groupe de Julian Cope. Nous avons passé quelques semaines à répéter et à faire une pré-production avec Mark Wallis, de sorte que lorsque nous sommes arrivés au Real World, nous avions la plupart des chansons en place.

Combien de temps cela vous a pris ?

Je pense que cela a pris environ un mois pour l’enregistrement et deux semaines pour le mixage. L’enregistrement et le mixage ont été faits aux Real World (à l’exception des deux morceaux produits par Tim Palmer dont je t’ai parlé avant).

Te rappelles-tu du jour du shooting de la photographie faite par Simon Fowler et qui a été utilisée pour la pochette ?

Oui, c’était vraiment amusant. Ce qui était assez rare pour nous… On a fait ça dans un appartement de l’Ouest de Londres. Je suis à peu près sûr que la bière ou l’alcool nous ont un peu aidé. Je me souviens qu’on écoutait une cassette de Roy «Chubby» Brown pendant le shooting. Nous rions si fort que bon nombre des plans étaient inutilisables. Je me souviens également que Simon nous avait montré les planches contact d’une séance photo qu’il avait récemment réalisée avec Kylie Minogue. C’était incroyable.

Quels sont tes meilleurs souvenirs liés à cet enregistrement ?

Les moments passés au Real World étaient géniaux. Tout le personnel était fantastique. C’est drôle, avant notre arrivée, nous nous demandions tous si le propriétaire du studio, Peter Gabriel, serait réellement présent. Tu dois te rappeler qu’il était à l’apogée de sa gloire à cette époque. So était sorti l’année précédente et il était une vraie pop star. Il était incroyable. Je me souviens que quand je suis arrivé, il m’a aidé à porter mes sacs. Il demanderait poliment s’il pouvait s’asseoir avec nous pour le petit-déjeuner ou si nous voulions bien qu’il se joigne à nous pour le dîner, etc. Il n’était pas inhabituel de se rendre au salon pour faire une pause et de croiser Rosanna Arquette ou Yossou n’dour. Tout cela était normal. Un autre bon souvenir fut la salle de contrôle qui était si grande que nous l’avons utilisée comme un bar. Elle s’est transformée en pub avec ses bières et un jeu de fléchettes. Nous l’avons appelé The Eel & Donkey. Les membres du personnel de Real World et de WOMAD venaient prendre un verre après leurs heures de travail. C’était devenu un lieu branché !

Tu as des regrets par rapport à ce disque ?

J’ai un seul regret : celui de ne pas avoir assez de temps pour travailler les chansons. Un regret d’écrivain. Tout s’est fait trop vite. En écoutant, il y a quelques morceaux que je souhaiterais voir absents même si dans l’ensemble Laugher est un album décent Un autre regret est lié à l’erreur de mettre Beautiful Shame à la fin de l’album car je pense que c’est l’un des points forts du disque et que les gens sont passés à côté. Tu apprends en faisant des choses.

The Mighty Lemon Drops – Beautiful Shame

Comment avez-vous trouvé le son de ce disque ?

Je pense que Mark Wallis a fait un excellent travail. Cela sonne très «hi-fi», ce qui est excellent, car nous avons effectivement fait beaucoup de choses de manière peu orthodoxe. Comme les voix… Au lieu de les enregistrer dans une pièce isolée et insonorisée avec un microphone onéreux, nous avons placé un vieux micro Shure 55 «Elvis» devant les haut-parleurs de contrôle très puissants du studio, pour enregistrer la voix comme si j’étais sur la scène lors d’un concert. De plus, beaucoup de pistes d’accompagnement, batterie, basse et guitare solo, ont toutes été prises live. Ce qui est assez rare…

Quels sont tes disques préférés de 1989 ?

Lors de l’enregistrement, nous avions tous MTV dans nos salles, ce qui était encore assez nouveau au Royaume-Uni en 1989. Bon nombre des disques en rotation étaient donc assez influents, comme Disintegration des Cure, de Neneh Cherry, Raw Like Sushi, De La Soul, etc. Pour ma part, mes disques préférés de 1989 sont Don’t Tell a Soul des Replacements, The Mekons Rock N Roll des Meckons,Queen Elvis de Robyn Hitchcock & The Egyptians et Key Lime Pie des Camper Van Beethoven. Et bien d’autres !

The Mighty Lemon Drops - Laughter

Laughter des The Mighty Lemon Drops est disponible chez Chrysalis.

The Mighty Lemon Drops - Laughter

Tracklist : The Mighty Lemon Drops - Laughter
  1. At Midnight
  2. Into The Heart Of Love
  3. Where Do We Go From Heaven
  4. The Heartbreak Thing
  5. One In A Million
  6. Written In Fiction
  7. The Real World
  8. All That I Can Do
  9. Second Time Around
  10. Beautiful Shame

English text

Why did you record the album at Real World ?

Dave Newton : We had recorded both of our previous albums Happy Head and World Without End at Rockfield, a residential studio in the Welsh countryside. We liked the idea of being away from the distractions of recording in a big city like London & Rockfield was perfect. I’m not sure why we didn’t record Laughter at Rockfield, maybe it wasn’t available ? However we looked around and heard about the new Peter Gabriel owned Real World Studios near Bath, England, a beautiful & historic town in the South West, near Bristol. It was, again, a live-in / residential studio in the town of Box, & part of a complex that also housed WOMAD and Mr Gabriel’s own studios / offices etc. We were one of the first bands / artists to work there. Actually New Order were the first, just before us, they recorded Technique there.

Why did you chose to work with Mark Wallis ? How did you meet him ?

Well we actually started off recording in December 1988 with Tim Palmer who had produced World Without End. We recorded two songs at Utopia Studios in London “All That I Can Do” and “Second Time Around”. We had just finished a big arena tour with The Mission who were huge in the UK at that time, venues like Wembley in London and Birmingham NEC etc. We finished off those two tracks after the Christmas break & then took some time off to finish writing the rest of the album as we had been on the road touring constantly for most of 1988. Then during the spring of 1989 we parted company with bassist & my co-songwriter Tony Linehan. That did change things quite considerably as you can imagine, especially for me as it meant that I was now the band’s sole songwriter. I then spent the spring and early summer of 1989 writing the rest of the songs that would become the Laughter album. I demoed most of it at home on my 4 track Portastudio & would get Paul to swing by my house & record the vocal parts. There were no demos recorded as a full band in a real studio this time, not like previous albums, basically because there wasn’t really that much time I guess. When we came to start recording proper Tim wasn’t available (I think he was working with Bowie / Tin Machine at the time). After looking at various producers we chose Mark Wallis. Mark had recently worked on a lot records that we liked, The Smiths, Go-Betweens, Primitives, Icicle Works etc.

How easy was the recording process ?

Well firstly we found Marcus (Williams) our new bassist. He was recommended by a friend & was free as he had just left Julian Cope’s band. We spent a few weeks rehearsing & doing pre-production with Mark Wallis so by the time we arrived at Real World we had most of the songs in shape.

How long did it take you ?

I think it took around a month or so of recording and another couple of weeks mixing. Both the recording and mixing was all done at Real World (apart from the two Tim Palmer produced tracks mentioned earlier)

Do you remember the day of the shooting of the picture (front cover) with Simon Fowler ?

Yeah, it was actually good fun, a rarity for a photo shoot (for us anyway). We shot a lot of it at his studio in West London, a converted mews flat. I’m pretty sure that beer or alcohol of some description was involved too ha ha. I do remember that during the shoot we were playing a cassette tape of notorious comedian Roy “Chubby” Brown & were laughing so hard that a lot of the shots were unusable. I also remember Simon showing us some contact sheets of a Kylie Minogue shoot he had recently done which was amazing really.

What are your best memories of this recording process ?

Real World was great. All of the staff there were fantastic. It’s funny, before we arrived we were all wondering if studio owner Peter Gabriel would actually be around at all. You have to remember this was at the height of his fame, “So” had been released the year before & he was pretty much as famous as a pop star can get really. He was amazing. I remember, when I arrived he helped me carry my bags from my car. He would politely ask if he could sit with us for breakfast, or if we minded him joining us for dinner etc, things like that. It wasn’t unusual to head to the lounge for a break & find Rosanna Arquette or Yossou n’Dour sitting there, things like that became the norm ha ha. Another great memory: the control room was so big we designated the one area as a bar / lounge. It eventually evolved into a full-on pub, we had draft beer, a dart board, you name it, & we called it The Eel & Donkey. The staff from Real World & WOMAD would stop by for a drink after their work shifts, it became popular, it was hilarious.

Do you have some regrets about this record ?

My only regret is that as a writer I wish that I would have had a little more time to work on the songs. It was kind of rushed, but I think that all things considered it turned out good. Listening back now there are a couple of tracks that I wish weren’t on there but on the whole it’s a decent album. One other regret, I think it was a mistake to put Beautiful Shame at the end of the album as I think it is one of the album highlights / best songs & that it was overlooked by a lot of people. You live you learn I guess.

How did you find the sound of this record ?

I think Mark (Wallis) did a great job. It sounds very “hi-fi”, which is great as we did actually do a lot of unorthodox things. Like the vocals, instead of recording them in an isolated sound-proofed room with an expensive microphone, we placed an old Shure 55 “Elvis” mic directly in front of the studio’s super-loud monitor speakers, like how it would sound on stage in a big room or hall. Also a lot of the main backing tracks, the drums, bass and lead guitar were all tracked live, as opposed to tracking each instrument individually (which is a common way of recording).

What are your favorite record of 1989 ?

When we were recording we all had MTV in our rooms which was still quite new in the UK at that time so a lot of the records that were on rotation were sort of influential like the Cure’s Disintegration, Neneh Cherry’s “Raw Like Sushi”, De La Soul’s “6 ft High & Rising” etc. Some of my own faves of that year were The Replacements: Don’t Tell A Soul, The Mekons: The Mekons Rock N Roll , Robyn Hitchcock & The Egyptians: Queen Elvis, Camper Van Beethoven: Key Lime Pie amongst many others

Pouet? Tsoin. Évidemment.

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