Rêve parti sort huit ans après Echo ton précédent album, pourquoi ce retour en solo après Serpent et quelques rôles au cinéma et à la télévision ?
Tout simplement parce que je me suis rendu compte que cela me manquait même si à un moment j’ai voulu me diversifier, faire d’autres choses, du cinéma, du théâtre, monter un autre groupe mais la colonne vertébrale de toute mes activités, c’était Lescop. L’envie aussi de rechanter des vieilles chansons avec bien sûr des nouvelles. Cela a pris du temps de réunir les conditions pour faire un nouveau disque. Il y a eu la rencontre grâce à mon manager qui est aussi celui de Bertrand Belin avec Thibault Frisoni. Il pensait que cela fonctionnerait et il avait raison, on s’est tout de suite compris.
Discographie
LescopL’album est assez minimaliste, était-ce une direction volontaire bien qu’il y ait des tubes comme Les Garçons ou même Effrayé par la nuit avec Laura Cahen ?
Cette chanson-là, je l’avais d’abord maquettée seul, et il manquait quelque chose. C’est une chanson adressée à mon fils, et je trouvais bien que Laura amène une présence maternelle, ce n’est pas la mère de mon fils mais il y a quelque chose de très pur…
Le titre de l’album est un jeu de mot, Rêve parti, quel est ton dernier rêve ou ce à quoi tu rêves pour ce disque ?
Pas simple comme question car cela tourne bien sûr autour de la tournée qui s’annonce mais j’ai fait un rêve très tendre l’autre jour. Un rêve amoureux mais pas érotique. Je me blottissais contre quelqu’un d’indéfini, c’était assez beau. En général c’est parce que je dors bien. Mais il est parti malheureusement. Et pour le disque, bien sûr un peu de succès, que la tournée se passe le mieux possible car être sur scène c’est quelque chose qui me fait vraiment du bien, qui me fait trouver la bonne place. Je suis le genre de mec qui ne sait jamais trop où se mettre, j’ai toujours l’impression de faire trop de bruit ou pas assez, trop loin ou trop près.
Le disque évoque la toxicité, Françoise Sagan justement dans Toxique écrit, « Tout ce que je fais pour moi est contre moi, c’est assez épouvantable », est-on toxique à soi-même ?
Les relations toxiques ou les produits toxiques, c’est un lien à l’attachement, c’est cela que tu cherches en fait. Les gens qui se perdent là-dedans ce sont des gens qui ont un problème avec l’attachement… Pour pas mal de raisons c’était mon cas. C’est pour cela qu’une relation de dépendance affective c’est la même chose que l’addiction à un produit, qu’il y a beaucoup de liens entre les deux. Et sur le disque il y a des chansons qui peuvent être entendues d’une manière ou d’une autre comme La femme papillon, comme Grenadine même si la, c’est plus se débarrasser d’un produit ou d’une personne. « On pourrait s′embrasser, comme avant j’imagine, juste un long baiser, qui trouble et qui fascine, juste pour un moment, mes lèvres bleu marine, se poseraient doucement, sur ta joue rouge grenadine ». C’est la tentation d’y revenir. Et la drogue et les personnes toxiques ont cela en commun, quand tu remets le doigt dedans, c’est compliqué, comme un alcoolique.
Lescop – Exotica
Tu as évoqué dans Côté Club sur France Inter Alain Kan au destin flamboyant et tragique…
Oui, je trouve que Et Gary Cooper s’éloigna dans le désert… son premier album est un chef d’œuvre, les textes sont déments, derrière cela joue bien… Il faut absolument le réécouter.
Sur Rêve parti, les arrangements sont très sobres et pourtant c’est très dansant avec un son de basse très travaillé…
On dit souvent qui peut le plus peut le moins, mais qui peut le moins fait le plus. Les anglais disent less is more. Quand tu as quelque chose qui fonctionne de manière dépouillée et minimale, pas besoin de rajouter des couches. Tu montres à quel point ton œuvre est belle, cela peut être étrange de parler comme cela mais je suis très content de mon disque, d’ailleurs petite parenthèse, je trouve que c’est chiant de ne pas dire que l’on est satisfait de ce que l’on fait, je pense que c’est mon meilleur album. L’humilité c’est un truc de bourgeois. Quand t’en as un peu bavé dans ta vie, quand t’as fait des trucs bien, c’est bien de le dire, c’est bien de gagner de l’argent avec. Mais bref, oui, il ne fait pas en faire trop. Après on parlait d’Alain Kan, Star ou rien, le succès évidement tout le monde y aspire, ce n’est pas obligé, mais je trouve cela bien quand ça marche. Mais je pense qu’Alain Kan s’est un peu planté avec ce truc parce qu’être une star ce n’est pas la seule manière de bâtir une carrière. Tu peux l’être et c’est bien, j’adore par exemple Bowie, mais pour avoir eu l’expérience de faire un tube avec la forêt et bien après tu as parfois ton entourage qui est accro, il en faut un autre, puis un autre. C’est là où cela m’a un peu gonflé. Pour moi ce qui compte sans aucune prétention c’est de faire de bonnes chansons.
Évoquons cette pochette assez ironique et cette voiture délabrée…
En fait c’est une Mercedes, dans une casse. J’étais en train de mixer l’album, et il y avait cette bagnole et on se disait, il faut faire une photo. A la fois elle est trop belle cette voiture et en même temps elle est défoncée, pleine de poussière, même la remorque a les pneus crevés. La référence que j’avais en tête et que j’avais donnée au photographe, c’était le magazine Zoom parce que mes parents étaient abonnés et il avait des couvertures hyper rutilantes, aux couleurs hyper vives, très glamour, années 80 avec des belles lignes de fuite, des photos très stylisées, colorées. Et là ce rouge, couleur de l’amour, de la passion, du danger mais aussi ironiquement du glamour qui s’en va car on vit dans une époque pas très glamour et aussi où le rêve n’a plus trop sa place. Pour moi la période des covers de Zoom, on rêvait éveillés, l’époque Mondino, Uwe Ommer, on vivait une sorte d’hallucination collective, d’une société en pleine expansion, aux ressources illimitées, Sky is the limit, Just do it, et l’on s’est pris un mur dans la gueule. Et ce rêve-là, il est parti et cette bagnole, elle est sur une remorque.
J’ai cru comprendre que tu écrivais un livre…
Oui, une autobiographie fantastique. Plutôt une autofiction d’ailleurs dans un contexte fantastique. J’ai commencé à écrire, cela me tient à cœur mais avec la tournée ce n’est pas simple. Mais dès que j’ai du temps, je vais m’y mettre à fond. Je vais pouvoir dire des choses que je ne peux pas forcément dire dans des chansons.
Pour terminer, qu’écoutes-tu en ce moment ?
Je n’ai pas trop de playlist, mais j’aime le dernier Baxter Dury, je suis un grand fan d’Alex Cameron, chez les français j’aime bien Eloi, Ascendant Vierge, Bonnie Banane et puis j’aime beaucoup l’album de Zaho de Zagazan, son succès est mérité, tous les gens qui la critiquent un peu dans le milieu underground, s’ils avaient tous la moitié de sa plume… Je suis assez exigeant sur l’écriture et elle a 23 ans c’est quand même assez fou, ce qu’elle écrit, j’étais loin de le faire à son âge. C’est vraiment quelqu’un, en plus elle est très sympa, elle sait très bien où elle va et encore une fois c’est très exigeant au niveau de l’écriture, même esthétiquement, et sa dégaine me fait penser au chanteur de Japan. C’est dur et fragile à la fois.
Lescop sera en concert samedi 9 mars à la Rayonne à Villeurbanne, le jeudi 4 avril à La Cigale et en tournée.
Rêve parti de Lescop est disponible chez Labréa / Turenne Music.
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