Bachar Mar-Khalife : Le calife de l’electrojazz

Fils de Marcel Khalifé, musicien oudiste libanais, et petit frère de Rami Khalifé du groupe Aufgang, on ne présente plus Bachar Mar-Khalifé dont la world musique aux influences éclectiques aussi bien jazz qu'électroniques, est toujours d'une grâce, d'une puissance et d'une portée sans équivoques.


Ya Balad, son dernier album sorti il y a déjà presque un an, dresse un tableau auditif aux couleurs du Liban, revisité à la sauce Bachar. À l’image de l’ovni inclassable qu’il est pour la scène française, il nous emmène vers des contrées inexplorées de la musique, et on adore ça. Il prépare pas mal de choses pour 2017, et SK* a voulu en savoir plus sur le musicien de talent, et sur l’homme, encore plus surprenant.

J’ai lu que tu avais mis 10 ans à sortir ton premier album.. C’est vrai ? Comment ça s’est passé ? Et qu’en est-il du dernier ?

Chaque album a été différent dans la conception, c’est un fait. Le premier, là où c’était particulier c’est que ce n’était pas mon objectif de faire un album. Disons que je commençais à composer des chansons chez moi, à faire quelques concerts, puis petit à petit, j’avais 5-6 titres qui me tenaient à cœur, et j’ai senti qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. Alors je suis allé en studio avec mon frère et des amis proches, et on les a enregistrées. Encore une fois ce n’était pas du tout dans l’optique de sortir un album, mais après l’enregistrement c’est Émeric, le batteur, qui m’a dit qu’il fallait absolument que ça sorte.
Le dernier, c’était complètement différent, c’était planifié, et lorsqu’on est entrés en studio je n’avais encore rien de prêt, il a fallu tout faire en dix jours. Du coup on est passé de 10 ans à 10 jours, c’est vrai.

Et alors, ça a changé quelque chose ? Moins d’attaches peut-être ?

Non pas forcément moins d’attaches, après c’est vrai que le premier restera le premier, donc ça a une saveur particulière, mais autant le deuxième et le troisième c’était à chaque fois quelque chose que j’ai vraiment voulu faire. Mon soucis je crois, depuis le départ, c’est de faire des choses qui, quels que soient les moments ou le contexte dans lesquels je les jouerais, resteront pour moi, d’une certaine manière, intemporelles.

Tu penses pouvoir dire que c’est le cas aujourd’hui ?

Oui et non, car c’est ma motivation et c’est aussi ce qui me permet d’envisager d’autres choses après, car je n’ai pas l’impression d’avoir fait tout ce que je devais faire encore.

La porte est toujours ouverte, et c’est ce qui m’importe.

Il semble que le dernier album ait donné un grand élan de visibilité à ta musique en France, comment expliques-tu ce tournant ?

Oui, évidemment, si on compare avec le premier, c’est sans commune mesure. Il y a d’ailleurs beaucoup de gens aujourd’hui qui croient que Ya Balad est mon premier album ! Mais ça vient un peu de moi aussi, sur le premier, je ne voulais pas faire de promo, ni de tournée. J’ai fait quelques concerts après coup mais c’était très marginal, j’apprenais en jouant, et c’est d’ailleurs comme ça qu’est né le second album, en live.

Bachar Mar – Khalife – Kyrie Eleison

Et pourtant en ce moment tu enchaines les dates !

Oui, c’est la première fois que je sors un album réellement suivi d’une tournée ! Je crois que cette fois-ci je me suis senti un peu plus prêt à affronter la scène. Le fait également de m’être entouré de musiciens pour faire les concerts me donne une énergie et une force différente.

D’ailleurs, je t’ai vu à Marseille, sur le toit du Mucem en mai dernier, et entre cette date et le Fnac Live fin juillet, il m’a semblé que ce n’étaient pas les mêmes musiciens qui t’accompagnaient, à la basse notamment ?

Oui pour le Fnac Live c’était le remplaçant, mais globalement je suis toujours avec les mêmes. Après, l’album je l’ai enregistré tout seul, ils n’étaient pas avec moi en studio, mais pour le prochain j’ai réellement envie de faire quelque chose avec eux. C’est une énergie que j’ai un peu négligée durant toutes ces années de solo, et j’ai envie d’y remédier.

C’est une très belle cohésion sur scène en tout cas. Et au niveau du public, est-ce que vous le sentez réceptif, ici en France, aux messages profonds que vous faîtes passer dans vos textes, malgré la barrière de la langue ?

Oui, je suis très heureux de constater que la majorité des gens qui viennent me voir semblent vraiment recevoir quelque chose de profond et d’important, sans forcément comprendre les paroles.

Ça me conforte dans l’idée que la musique est un art tout sauf verbal, et que le message parfois, est ailleurs.

Évidemment mes chansons parlent de certaines choses, qui me tiennent à cœur, mais moi je me souviens par exemple qu’à l’adolescence je commençais à apprécier des chansons sans vraiment en comprendre les paroles, je ne me posais pas vraiment la question, mais je sais que c’étaient des choses qui pourtant me bouleversaient.
Et justement, je pense aussi que le fait que ce soit chanté en arabe donne parfois lieu à une exagération du public dans l’envide de comprendre les paroles, plus que si c’était en anglais ! Je ne pense pas que tous les francophones comprennent toujours parfaitement l’anglais, mais ils ne se posent pas la question… Si Rihanna chante une chanson en anglais, personne ne se demande « mais qu’est-ce qu’elle veut dire, au fond ? »

En même temps, je pense que ce n’est effectivement pas le même type de message, du coup, on se pose moins la question ! Donc tu sens qu’il y a cette compréhension au-delà des mots ?

Oui, clairement. Après, c’est sur que quand j’ai joué à Beyrouth, c’était une sensation très différente, je savais que chaque mot allait être compris. Mais ce n’est pas forcément toujours quelque chose qui est plus fort, c’est assez parallèle. Et puis au final, ceux qui veulent vraiment comprendre, ils cherchent.

C’est vrai. Et maintenant, c’est quoi la suite, il y a encore des dates à venir ?

Oui, on fait la tournée en deux fois en fait, une partie cet été, et là on reprend sur des dates jusqu’à l’été 2017 quasiment. Mais ça va être un peu différent, il y a un musicien en plus, de nouvelles chansons, en fait c’est une transition entre cette première tournée qu’on a terminée, et un futur album.

Bonne nouvelle ! Il risque d’y avoir des surprises pour fin 2017 alors !

Top 10

1) Une sortie récente qui t’as marqué ?

David Bowie

2) Le meilleur endroit pour faire un concert ?

C’est pas seulement un endroit.. C’est aussi un horaire, un contexte.

3) Le meilleur endroit pour voir un concert ?

Tout dépend ce qu’on aime voir… quitte à choisir, je choisirai un théâtre d’une centaine de places.

4) Une collaboration artistique ?

Je n’ai pas vraiment d’envies ni d’ambitions particulières.. Par contre je suis hyper ouvert à ce qui m’entoure, et les choses que je dois faire se feront d’elles-mêmes . Du coup je ne peux pas vraiment trouver de nom, comme ça, maintenant.

5) Un album que tout le monde a écouté sauf toi ?

À peu près tout ce qui est sorti en 2016… sauf David Bowie du coup !

6) La sortie que tu attends le plus ?

Rien de particulier. La plupart des artistes que j’écoute vraiment sont morts, donc je ne risque pas de les attendre.

7) Jaune ou bleu ?

Jaune. La chaleur, la lumière du jaune.

8) Paris ou Beyrouth ?

(…) C’est vraiment dur. Paris l’été et Beyrouth l’hiver.
Paris l’été parce-qu’il n’y a plus les parisiens, et Beyrouth l’hiver parce qu’il n’y a pas les libanais de l’étranger qui reviennent passer l’été hahaha.

9) Un truc à faire absolument ?

Vivre. Danser. Aimer. Vivre, quoi, tous les jours.

10) Un truc à ajouter ?

À une époque je lisais beaucoup Bukowski, et je garde en tête cette citation :

« Don’t worry too much. »

Bachar Mar – Khalife – Lemon

Batteuse et passionnée de musique depuis toujours, constamment à la recherche de nouvelles pépites. Un penchant particulier pour les sonorités rocks /indies /psychés et autre dreampop électronique et bizarroïde.

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