Michael Head & The Strands – The Magical World of the Strands

Après le coffret de Lloyd Cole & The Commotions, voici venu le temps des rééditions de Michael Head et de ses fantastiques Strands. Si on survit économiquement et artistiquement à cet été 2015, on peut survivre à tout.


Publié en mai 1998, The Magical World of the Strands aurait pu être un clap de fin pour son auteur. En effet, seul sans ses Fountains et ses Shack, Head publie peut-être ici son album le plus intime et le plus difficile à appréhender. On peut être fan absolu du premier Pale Fountains et ne pas comprendre The Magical World of the Strands. Et inversement. Certaines personnes adorent ce disque et s’intéressent peu à son auteur.
En 1998, le tiercé gagnant de la Brit Pop a un sérieux coup dans le nez et la morosité gagne l’Angleterre. La couronne de Liam Gallagher chavire dans le caniveau et se noie dans la bière. Il en va de même pour Coxon.
Pulp siffle la fin de la partie avec This Is Hardcore et Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space de Jason Pierce donne désormais le ton.
Du haut de sa colline, The Magical World of the Strands symbolise parfaitement cette atmosphère.

En juillet 2015, on connait la suite de l’histoire. On ne peut pas s’empêcher dans dire deux mots. The Magical World of the Strands ne fait pas de Michael Head un millionnaire mais permet d’attirer un regard anglais sur sa carrière. C’est en effet Noel Gallagher qui l’aide à rentrer dans le nouveau siècle en le signant sur son label (Sour Mash) le temps d’un disque (On the Corner of Miles and Gil) et de quelques premières parties pour Oasis. L’affaire est encore un échec commercial (le single Tie Me Down atteint péniblement la 114 ième place du top anglais). Mais peut-être galvanisé par une nouvelle scène liverpuldienne qui sait ce qu’elle lui doit (The Coral en tête), Michael Head tient plus ou moins le choc.
Et tel le phénix qui renait de ses cendres, il est remis sur pied par le label Violette Records et le Red Elastic Band en 2012.
Mais pour l’instant nous sommes en 1998…

Michael Head And The Strands

Quel disque. Mais quel disque nom de Dieu !
Écouter plus de deux fois The Magical World of the Strands fait de vous un élu. La première écoute s’avère plus ou moins quelconque. Tiens, encore un type qui a écouté Nick Drake et qui veut se la jouer Neil Young. Les gens pressés et indélicats sont donc sélectionnés naturellement.
Quant aux autres, ils mettent la main dans le pot de confiture. Une deuxième écoute, puis une troisième…
The Magical World of the Strands délivre tous ses parfums à la cinquantième écoute et cache encore des secrets à la cinq centième. Un disque à l’ancienne, un disque de laborieux qui aime l’ouvrage bien fait. A chaque écoute de The Magical World of the Strands, un nouveau détail apparait et une nouvelle émotion surgit.

Michael Head And The Strands – Something Like You

S’il y a bien un disque étrange dans une discographie, c’est The Magical World of the Strands. Inventeur de la mondialisation avant tout le monde, Michael Head trouve de nouveau la solution à l’étranger. Les deux derniers disques de Shack avaient été financés par des labels étrangers (le fameux label allemand Marina pour le sensationnel Waterpistol). Cette fois, la solution vient de l’autre coté du Rhin, c’est à dire la France. Stéphane Bismuth (et un certain Frédéric Monvoisin) mettent le Head et sa troupe (composée de son frère John, du fidèle Iain Templeton, des nouvelles recrues que sont Michelle Brown et Leslie Roberts) en studio avec Mark Coyle (le producteur responsable de la meilleure chanson d’Oasis à savoir Supersonic). Quant à Helen Caddick, elle assure l’orchestration. Tout un programme.

Enregistré à Sheffield et à Liverpool, ce disque renferme donc des trésors inclassables. The Magical World of the Strands contient la lecture prolétarienne d’un pan de la musique américaine. Michael Head met dans une même pinte les arpèges de la paire Arthur LeeBryan MacLean et les mélodies d’un Loner dépressif. Le tout avec une pincée de jazz. Avec ses Strands, Head ne se cache pas derrière les cuivres des Pale Fountains et les bizarreries de Shack.
Le jazzy X Hits The Spot fait toujours son petit effet. Quant à Hocken’s Hey, la millionième écoute de l’a toujours pas abimé. Quant à l’entame du disque (Queen Matilda & Something Like You), on a jamais fait mieux depuis…

Quasiment introuvable, ce disque était la chasse gardée des gens de bon goût ou des gens riches. La réédition va donc permettre de se payer un chef d’œuvre à un prix décent (avec deux bonus – la face B Green Velvet Jacket et la démo de Queen Matilda – et un livret de 20 pages).

Deuxième salve du label Megaphone, la compilation The Olde World qui renferme les inédits de l’enregistrement de The Magical World of the Strands. La pochette de The Olde World reprend la même police que celle de The Magical World of the Strands et plus ou moins le même thème. On se cogne surtout la tête contre le mur et on se demande surtout ce que fait la police. Qui a laissé l’assistant manipuler Paint et qui a validé cette chose?
Enfin, peu importe le flacon, pourvu l’ivresse…
On se retrouve donc face à des versions alternatives et des inédits. Derrière le mot « inédit » on entendra évidemment des morceaux jugés plus ou moins bons à l’époque et donc absents de The Magical World of the Strands.
Comme la partie est menée par Head, on est encore au dessus de la concurrence et le plaisir est encore au rendez-vous.
Fin, Sophie, Bobby And Lance aurait peut-être pu avoir sa place en première division et Poor Jill rappelle énormément Shack.
Les versions instrumentales devraient ravir les plus cinglés de Shacknet, fan club du Monsieur. Idem pour les versions acoustiques.

Et maintenant il faut mettre une note. Réfléchissons.
The Olde World aurait eu sa place sur une édition augmentée de The Magical World of the Strands. Comme Mojo, on pourrait lui coller 3/5. Il faut dire qu’on a passé l’âge des versions instrumentales.
Et la réédition de The Magical World of the Strands? 10/5 en toute objectivité.

Et avant de nous quitter il faut émettre un souhait à l’aide de quelques mots: Michael Head, Classix Nouveaux et Gaîté-Lyrique. On a le droit de rêver d’un monde magique ?

Tracklist : Michael Head And The Strands - The Magical World of the Strands
  1. Queen Matilda
  2. Something Like You
  3. And Luna
  4. X Hits the Spot
  5. The Prize
  6. Undecided (Reprise)
  7. Glynys and Jaqui
  8. It's Harvest Time
  9. Loaded Man
  10. Hocken's Hey
  11. Fontilan
  12. Green Velvet Jacket - Michael Head
  13. Queen Matilda
Tracklist : Michael Head And The Strands - The Olde World
  1. It's Harvest Time (Band Version)
  2. Fin; Sophie; Bobby and Lance
  3. Poor Jill
  4. Something Like You
  5. Glynys and Jaqui
  6. Hocken's Hey
  7. And Luna
  8. Lizzie Mullally
  9. Wrapped Up in Honour
  10. The Olde World

The Magical World of the Strands sera publié le 20 juillet 2015 via le label Megaphone.
The Olde World sera publié le 21 août 2015 via le label Megaphone en France mais bien avant au Royaume-Uni.

Michael Head & The Strands – The Magical World of the Strands
10/10
Pouet? Tsoin. Évidemment.

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