Les lundis de Kütu Folk Records, label clermontois associé à La Coopérative de Mai proposaient de découvrir trois artistes de leur écurie, Zak Laughed, Hospital Ships et St-Augustine qui sortaient le même jour leurs albums respectifs.

Il y a des journées qui commencent mal et qui finissent en apothéose. C’était le cas ce lundi avec ces trois groupes dans le club de La Coopérative de Mai sous le patronage bienveillant d’une gigantesque photographie des feux White Stripes et du pâtre Jean Louis Murat, descendu de sa montagne saluer le présent de la musique actuelle. Le genre de soirée où l’on se dit, une fois les lumières rallumées et le dernier accord envolé que c’était l’endroit où il fallait être ce 2 mai 2011 et aucun autre. Écouter, ressentir, frisonner, partager, communiquer, communier avec cette fraternité de musiciens aux talents variés qui ne se contentent pas de jouer leur set avec le maximum d’intensité mais effectuent un jeu de chaises musicales, échangeant là des choeurs, ici un clavier ou une guitare dans le groupe voisin forcément accueillant. C’est ce qui fait le charme du label Kütu Folk, hydre à multiples têtes bien faites, où l’on coût les pochettes de disques ensembles ou avec les fans, où l’on répète les uns avec les autres selon les tournées, où St-Augustine passe trois mois séquestré par 500 dessins pour 500 pochettes uniques de son dernier EP, June, a Maze… Une vraie équipe de foot qui s’entraide même quand le capitaine est blessé.

Zak Laughed

C’est le kid d’Obeer city, Zak Laughed qui ouvrait la soirée avec la main chaude et débarrassé de ses oripeaux folk juvéniles que les médias lui avaient trop rapidement taillés, entrant en trio dans la cour des grands, accompagné du sorcier Ceddy Gonod à la basse et la Danelectro et de Jean Michel Blecon à la Batterie. La larve s’est transformée en Acherontia atropos, seul papillon au monde à pouvoir produire un cri ici forcément rageur dès l’ouverture avec ce crade et rugueux « I’m free » sur Voiceless declaration, manifeste furibard de sa mue au propre comme au figuré. Il alternera donc l’électricité orageuse et énergique comme dans Unknown Meaning avec des ballades tendues et épurées à la guitare (le somptueux Sculptures of birds a gagné en intensité avec de chouettes arrangements depuis l’Olympia avant Miossec où ce titre tout neuf à l’époque avait été joué pour la première fois tout seul face à une salle pleine comme un oeuf) ou encore les bouleversantes et déchirantes The Joke is on me (très groovy avec un zeste de clavier vintage et des ballets aériens à la batterie) et Dear Girl (dépouillée et sur le fil), Backache Blues avec son harmonium et aux choeurs Jordan Geiger et Lucas Oswald d’Hospital Ships ou la mélancolique lennonesque bourrée de références de The Clothes Make the man et son bouquet final. On s’étonnera d’un son venu d’ailleurs (le doigt glissant et hululant sur la caisse de la guitare) entre Casper le gentil fantôme et des pleurs d’enfants sur un Lucky Random au riff lanscinant finissant en apothéose. Zak s’enhardira dans une reprise spectorienne du sucré Baby Pop du duo France Gall / Serge Gainsbourg datant de 1965 : l’ensemble sonne donc très sixties, avec une pincée de Daniel Johnston, il est clair que Zak a passé un cap, l’amour est sur le tapis et on aimerait quand même voir en dessous.

https://www.youtube.com/watch?v=CiWM5MwSMJk

Hospital Ships

Hospital Ships c’est une partie de Shearwater, Jordan Geiger jouant de la trompette au sein de la formation texanne. En vacances aussi de Minus Story, il sort sur le label Kütu Folk un second album, Lonely Twin enregistré avec ses acolytes dont Thor Harris qui joue aussi de la batterie pour Bill Callahan. Que du beau monde donc mais qu’il est difficile de faire tourner en Europe. C’est donc en duo que le groupe se présente, Jordan sorte de tintin à la guitare et le très jeune multi-instrumentiste Lucas Oswald au clavier et à la mandoline. La palette des sonorités est bien sûr moins riche à deux qu’en fratrie mais ces deux ‘boys next door’ délivrent de vraies symphonies de poche. Ce qui surprend, séduit ou agace d’emblée c’est la voix, haute perchée, enfantine parfois et reconnaissable dès la première écoute ce qui est la marque des grands. Comme si les Zombies percutaient Simon & Garfunkel ou Granddaddy bousculaient Alden Penner de Clues. C’est de la pop brillante en totale liberté sur des thèmes classiques, l’amour et le sublime titre Carry On, la mort avec Phantom Limb ou les deux mêlés avec New life ou Love or Death. Un moment de grâce parcourt la petite Coopé, c’est d’une simplicité absolue, le bateau ivre Hospital Ships tangue et balance un flot de mélodies que bien des groupes ont de la peine à effleurer au cours de toute une carrière.

St-Augustine

Mais l’on était loin de se douter que la soirée finirait encore plus fort par un enchantement, un envoutement délivré par un magicien de l’harmonie, le tout jeune papa d’un EP, June, A Maze au kalédioscope de pochettes uniques dessinées une par une. St-Augustine est depuis peu un groupe avec Zak Laughed au clavier et à la guitare, Clément Chevrier à la basse et le farfadet Christophe Pie à la batterie. Peu de répétitions disent-ils et pourtant quel son ! quel instinct pour jouer ensemble ! Le set commence par un titre quasi A capella, Let it go transcendé par une pédale de loop, la voix de François se démultiplie, la mélodie grimpe les volcans pour mieux les dévaler à faire pâlir la flotte de renards qui vient de sortir un second album. On ne veut pas laisser partir cet instant qui est déjà captivant. La voix oscillera entre un falsetto aérien et une voix grave et suave de quasi crooner. St-Augustine picore des anciens titres de son album gracieux, Changing Plans paru en 2009 comme Icelandic en version électrique éclectique, Polar Bears qui fait fondre la glace, Rainy country, véritable hymne régionaliste et des nouveaux comme le sommet du EP et forcément du concert, ce Moutain stratosphérique qui ne nous met pas du tout « down ». D’autant que suit un autre immense morceau, User’s Guide dont le choeur final sera composé de tous les artistes de la soirée. et de tous les membres du label chantonnant dans le public, chavirement assuré. Le concert se clôt At Night, sur un titre tout seul, frissonnant d’émotion, insomnie de père attentionné ou d’artiste inspiré. Le rappel attire St-Augustine dans le public, pour sussurer tous ensemble, le sourire éclairant chaque visage When our two hearts collides, my love, there’s Nothing less but a child
Une bien belle soirée Kütu en vous rappelant l’une des nombreuses traductions de ce mot : « terme employé en yoga pour désigner les battements du coeur » qui a donc bien vibré hier soir à moins que cela soit un instrument de musique joué avec la barbe ou un jeu de mot en l’honneur d’une pratique artisanale la plus ancienne et la plus minutieuse…

Hospital Ships sera en concert à La Flèche d’Or à Paris ce mercredi 4 mai avec Times New Viking + O’Death + Veronica Falls

Zak Laughed et St-Augustine seront en concert à L’International à Paris ce mercredi 4 mai.

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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