[Micro-Photos] De Londres à Sydney avec Bleddyn Butcher

The Apartments © Bleddyn Butcher
Quel est le point commun entre Michael Head (The Pale Fountains, Shack) et The Apartments ? Le graphiste français Pascal Blua. Quel est le point commun entre The Apartments, The Go-Betweens et Nick Cave ? Le photographe anglais Bleddyn Butcher.



Ce photographe londonien est connu pour avoir pris les plus belles photographies de Nick Cave et de ses Bad Seeds. Mais Butcher était l’œil de Sydney et tirait le portrait de tous les expatriés australiens perdus dans la capitale du Royaume-Uni. Il va ainsi photographier Peter Milton Walsh et les Go-Betweens dans les années 80 et 90 et en tirer le meilleur. C’est en effet un de ses clichés qui a été utilisé pour la pochette de Fête Foraine des Apartments et bon nombre de ses clichés vont être utilisés pour les singles des Go-Betweens. C’est ainsi une des photographies de Butcher qui sera utilisée pour la pochette du plus beau single des années 80,
Bachelor Kisses des Betweens.

The Apartments

Comment as-tu rencontré Peter Milton Walsh ?

Bleddy Butcher : J’ai rencontré Peter à Londres dans le courant de l’été 1984. Il venait d’arriver de New York. Les Triffids arrivaient, par coïncidence, d’Australie. Grant McLennan vivait avec Chris Walsh et Steve Miller des Moodists dans le quartier de Cricklewood. Ils ont fait une soirée avec leurs amis et leurs connaissances faites pendant leurs voyages. J’étais invité. J’ai pris Peter pour Martyn Casey. Il l’a bien pris. Nous avons discuté.

The Apartments © Bleddyn Butcher
The Apartments © Bleddyn Butcher

Où as-tu pris ce cliché ?

J’ai pris cette photographie le 4 juillet 1993 si mes souvenirs sont exacts. Elle a été prise dans la maison d’un ami dans le quartier de Paddington à Sydney.

Quel appareil as-tu utilisé ? Et quel film ?

Un Nikon F2AS et une pellicule Kodak Tri-X.

Qu’as-tu voulu montrer avec ce cliché ?

Qu’est-ce qu’un portrait cherche à exprimer? Un photographe se prête au moment et essaie d’en attraper son humeur ou son sens. Il (ou elle) peut trouver une expression qui révèle un caprice de la personnalité du sujet jusque-là insoupçonné ou exactement le contraire : un portrait peut prêter du poids à ce qui est déjà connu. Dans le cas présent, Peter attendait patiemment alors que je chargeais mes appareils. J’ai levé les yeux et vu son absorption que j’ai cassée en prenant la photo.

C’est facile de travailler avec Peter ?

Difficile à dire. Nous avons fait que trois sessions depuis que nous nous sommes rencontrés et la dernière a été faite il y a 23 ans. Je peux vous dire qu’il est un compagnon délicieux pour le déjeuner. Nous en avons fait une bonne partie au cours des dernières années. Cependant, les photographies ne semblent jamais être sur le menu.

Quelle est chanson préférée des The Apartments ?

En ce moment No Song, No Spell, No Madrigal.

The Apartments – No Song, No Spell, No Madrigal

J’aime la direction prise par cette chanson infiniment triste et le rythme que lui donne la conversation. La conversation est, certes, un peu disjointe, mais son thème est cohérent : ce chanteur est hanté par le passé. Si la situation est familière – et l’image qui en découle presque générique – la chanson nous permet de ressentir l’émotion. Peter donne un ton désespéré à tout cela : « Ne veux pas être ce type qui traverse la pluie / qui se demande où est allée la bonne chance. » Ne veux-tu pas être Travis Bickle ?

The Go-Betweens

Et ta première rencontre avec les The Go-Betweens ?

Eh bien, ce n’était pas à Stanley-and-Livingstone. Je suis sûr d’avoir rencontré Grant avant les autres membres du groupe. Il était avec Tracy Pew : ils avaient été sur le même avion en Australie – Tracy venait de sortir de prison – et il est venu directement de Heathrow à l’appartement de Nick à Bayswater. Je suis arrivé là-bas, en prenant des photos pour la couverture du journal Junkyard le 12 mai 1982. J’ai rencontré les autres, formellement, peu de temps après.

Grant McLennan
Grant McLennan (of the Go-Betweens) © Bleddyn Butcher (Tottenham Court Road, Londres – 13 May 1985)

Où a été prise cette photographie de Grant ?

Cette photographie a été prise à Tottenham Court Road à Londres. Nous avions été voir Rowland et Harry Howard jouer avec Crime and the City Solution au Marquee sur Wardour Street. Alors que nous rentrions à la maison, nous sommes tombés sur un film en train d’être tourné : il y avait des spots Kliegs, des réflecteurs, des générateurs et de quoi faire à manger pour toute l’équipe. On a réussi à se greffer sur ce tournage et nous avons volé un peu de lumière entre deux de leurs prises.

The Go-Betweens ont utilisé certaines de tes photographies pour leurs singles. Comment cela se passait ? Où a été prise la photographie utilisée pour la pochette du single The Party Company ?

Cette photographie a été prise dans la gare de Victoria station à Londres. J’avais pensé à d’autres gares mais aucune n’avait le potentiel graphique de Victoria Station.

Quel est ton meilleur souvenir avec les Go-Betweens ?

Le premier concert qui me revient à l’esprit est celui donné au Empire Rooms à Tottenham Court Road (Londres) lors l’été 1984. C’était leur premier concert en Angleterre cette année-là. Ils avaient beaucoup changé depuis la dernière fois que je les avais vus c’est à dire six mois plus tôt. Ils avaient fait des tournées et le groupe était devenue plus solide. Grant était devenu le principal guitariste et les nouvelles chansons de Robert (comme Part Company et Draining the Pool) sonnaient magnifiquement.

Quelle est chanson préférée de ce groupe ?

C’est une choix embarrassant. En ce moment, ma préférée est Dive for Your Memory. J’aime son calme et comment elle peint la détresse tout en étant claire : “Deep down I’m lonely and I miss my friend”. Son histoire amoureuse est terminée mais il n’a pas oublié son passé. Son ex n’est pas enclin à verser dans la nostalgie : elle insiste sur le fait que cette histoire était mal embarquée dès le début. Plutôt que de discuter, il transforme son oubli en une allégorie, en un soldat chevaleresque. Comme un héros chevaleresque, il accomplira des actions audacieuses pour prouver sa vérité : il va «plonger» pour sa mémoire, la récupérer et la restaurer pour ma grâce. L’amour de cet espoir – et la douleur qu’il occasionne – peut être entendu chaque fois que Robert dit les mots « dive » et « die ». Il meurt un peu chaque fois qu’il le fait. Les cordes grimpent dans le même sommet sans gêne et tombent sombrement. Pourtant, le chanteur ne désespère pas. Il n’en a pas fini avec la romance. « Nous sommes côte à côte », il rappelle à son ex-amoureux, « fort et vrai ». Pourquoi ne pas t’en souvenir ? Au lieu des «mauvais moments» qui ont eu lieu? Les mauvais moments ne vous feront pas traverser. La négativité, non plus. Je fais partie de cette équipe.

Retrouvez les articles de la rubrique [Micro-Photos] :

Bleddyn Butcher est l’auteur de l’ouvrage A Little History. Photographs of Nick Cave and Cohorts 1981-2013 (Editions Allen & Unwin – 2014)

The Apartments - Fête Foraine

Tracklist : The Apartments - Fête Foraine
  1. What's The Morning For?
  2. Knowing You Were Loved
  3. Not Every Clown Can Be In The Circus
  4. On Every Corner
  5. Sunset Hotel
  6. End Of Some Fear
  7. Thank You For Making Me Beg
  8. Things You'll Keep
  9. Paint The Days White
  10. (silence)
  11. Great Fool

English text

How did you meet Peter Milton Walsh ?

I first met Peter in London in the late summer of 1984. He’d just arrived from New York. The Triffids had, coincidentally, just arrived from Australia. Grant McLennan was living with Chris Walsh and Steve Miller of The Moodists out in Cricklewood. They held a party to welcome their friends and fellow travellers to town. I got an invite. I mistook Peter for Martyn Casey. He put me right. We spoke.

Where did you take this picture ?

Photograph taken at a friend’s house in Paddington, Sydney – on 4 July, I believe, 1993.

Which camera did you use ? Which film ?

Nikon F2AS. Kodak Tri-X.

What do you want to show with his picture ?

What does any portrait seek to express? A photographer lends himself to the moment and tries to catch its mood or its meaning. He or she may watch for an expression which reveals an otherwise unsuspected quirk of the subject’s personality or exactly the opposite: a portrait can lend weight to what is already known. In the present instance, Peter was waiting patiently while I loaded my cameras. I looked up and saw his self-absorption and snapped off a shot.

Is it easy to work with Peter ?

Hard to say. We’ve only done three sessions since we met, the most recent was 23 years ago. I can tell you that he’s a delightful lunchtime companion. We’ve done a fair bit of that over the last few years. Photographs never seem to be on the menu, though.

What’s your favourite song of The Apartments ?

At the moment, ‘No Song, No Spell, No Madrigal’. I like the way this thoroughly disconsolate song has a conversational cadence. The conversation is, admittedly, a little disjointed but its theme is consistent: singer haunted by past. If the situation is familiar – and the imagery near-generic – the emotion it inspires is keenly felt. Peter gives his glum summary a desperate edge: « Don’t wanna be that guy driving through the rain/Wondering where the good luck went”. Do wanna be no Travis Bickle ?

The Go-Betweens

Do you remember your first meeting with The Go-Betweens ?

Well, it wasn’t quite Stanley-and-Livingstone. I’m pretty sure I met Grant before the other members of the band. He was with Tracy Pew: they’d been on the same plane from Australia – Tracy was fresh out of jail – and came straight from Heathrow to Nick’s flat in Bayswater. I happened to be there, taking pictures for the Junkyard sleeve. 12 May 1982. Met the others, formally, not long after.

Where did you take this picture of Grant ?

That photograph was taken in Tottenham Court Road, London. We’d been to see Rowland and Harry Howard performing with Crime and the City Solution at the Marquee in Wardour Street. As we were driving home, we came upon a sizeable film crew filming in a small square on one side of the street: Kliegs, reflectors, generators, catering, the lot. We pulled over, snuck onto the set between takes and stole the light.

The Go-Betweens chose some of your pictures for their cover singles. How did you work with this band ? Where did you take the picture of the Party Company single ?

Image on the cover of ‘Part Company’ single was taken in Victoria station, London. I’d considered other stations but looked no further once I’d seen Victoria’s graphic potential.

What’s your best memory with this band ?

You mean, “What do you remember best?” or “What’s your favourite memory of the band?” The performance that springs most spryly to mind is a show at the Empire Rooms in Tottenham Court Road, London, in the summer of 1984. It was their first show in England that year. They’d changed a lot in the six months since I’d seen them. They’d been touring and the four-piece had gelled. Grant was playing a lot of lead guitar, ringing magnificent changes on Robert’s great new songs ‘Part Company’ and ‘Draining the Pool’. Glistening riffs and raffish feedback couldn’t save his own ‘River of Money’ from its ponderous solecism but I – perhaps all on my lonesome – was glad that he’d tried. Better luck next time. There would clearly be a next time now. They had a future built-in.

What’s your favourite song of this band ?

Spoilt for choice. My current favourite is ‘Dive for Your Memory’. I love the calm way the song sketches distress and the aching plainness of its main statement: “Deep down I’m lonely and I miss my friend”. The Great Affair is over but the singer hasn’t forgotten its glorious summer. His ex-lover is not so inclined to nostalgia: she insists their affair was doomed from the start. Rather than argue, he turns her forgetfulness – or her ‘forgetfulness’ – into an allegorical trope. Like some chivalric hero, he will perform daring deeds to prove his truth: he will “dive” for her memory, retrieve it and restore her to grace. The fondness of this hope – and the pain it occasions – can be heard every time Robert reaches the “die” of “dive”. He dies a little whenever he does. The chords climb the same cheerless peak and fall bleakly away. Yet the singer does not despair. He ain’t through with romance. “We stood side by side”, he reminds his ex-lover, “strong and true”. Why not remember that? Instead of the “bad times” which ensued? Bad times won’t get you through. Negativity, neither. I’m on that team.

Pouet? Tsoin. Évidemment.

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